Les voitures qui ont déjà eu au moins un propriétaire voient leur valeur monter en flèche en France, comme ailleurs. Outre les inquiétudes sur la production et la livraison de voitures neuves, une autre raison moins naturelle explique le phénomène : la France est un réservoir d’opportunités pour les pays voisins. Explications.
Mais où sont passées nos opportunités ? Selon les données du commerce extérieur français, ils sont désormais exportés en masse. Au cours des 12 mois en cours (septembre 2021 à août 2022), 373 289 véhicules légers ont quitté le territoire français pour se rendre, en règle générale, dans un autre pays européen. Par rapport à 2021, c’est 82,7% de plus. Presque toutes les catégories de véhicules s’appliquent, mais pour les diesels d’occasion, ces chiffres dépassent.
La lutte contre la pollution de l’air tend à diaboliser cette motorisation, qui trouve désormais son public hors des frontières de l’Hexagone. L’exportation des petits diesels (moins de 1500 cm3) a ainsi augmenté de 182,6% en un an ! Idem pour les fiouls entre 1500 et 2500 cm3 : +54,4% à l’export. Les moteurs diesel représentent à eux seuls 75,4 % des voitures envoyées loin de nos villes et de nos campagnes… « Les concessionnaires eux-mêmes ont multiplié les vols de véhicules vers l’étranger, principalement parce qu’ils reprennent les voitures sans être trop radins. Mais quand ils se rendent compte qu’ils sont trop beaucoup de frais de réparation, ils revendent le véhicule à l’étranger. Même chose si les kilomètres sont trop élevés », explique Yoann Taitz, responsable des valeurs de revente chez le spécialiste Autovista France et Benelux.
Péninsule ibérique en manque
Les revendeurs français, toujours à l’affût des bonnes affaires, portent donc une part de responsabilité dans les « fuites » de nos biens d’occasion. Mais c’est peu par rapport à la responsabilité des acheteurs étrangers. Certains marchés proches de la France sont en effet dans une situation de crise d’approvisionnement sans commune mesure avec ce qui est observé en France. Par exemple, le Portugal : « Les voitures d’occasion étrangères prennent de plus en plus d’importance ici », analysait le journal portugais Eco en août dernier, « à fin juin, 48 863 véhicules particuliers avaient déjà été importés à partir de voitures d’occasion ». Et pour ne citer que la Lusitanie, la France, l’Allemagne, la Belgique et la Hollande dans l’ordre des principaux fournisseurs.
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L’Espagne voisine ne fait pas exception. La division espagnole du professionnel des enchères de véhicules d’occasion BCA a indiqué qu’en 2021, « les achats sortants ont totalisé 94 410 unités, soit 35% de plus qu’en 2020 ». Le mouvement ne serait pas terminé puisque selon les associations de professionnels de l’automobile Faconauto et Ganvam, les importations d’occasion de la péninsule ont « cumulé de 40,4% depuis le début de l’année », même si le phénomène tend désormais à se redresser. allez-y plus lentement. Enfin, la pénurie de voitures d’occasion en Italie serait également très aiguë : les importations françaises de voitures ont augmenté de 25,2 % en 2021, même si la France reste un petit fournisseur par rapport à l’Allemagne ou même à l’Espagne !
Acheter une voiture d’occasion en ligne : les Français sont de plus en plus motivés
Évidemment, les concessionnaires de véhicules d’occasion ont besoin de matériel pour revendre, mais ils ne sont pas les seuls à manquer de voitures. Selon David Rairolle, directeur des opérations de VPN cars, nous avons cette année une forte demande de la part de loueurs étrangers qui n’ont pas été approvisionnés en véhicules neufs et qui doivent couvrir la saison avec leur flotte », explique-t-il. Du coup, ces loueurs se rabattent sur des voitures d’occasion récentes voire des voitures à zéro kilomètre, accentuant la pénurie sur le marché français. Selon ce professionnel, l’appétence des locataires étrangers expliquerait en partie le phénomène de fuite à l’étranger, mais ne peut être la seule explication.
Profiter de l’Europe
Car ce phénomène a une dernière raison : l’influence des « nouveaux » géants de l’occasion Auto 1, Aramis Auto et Aures Holding (Driverama). Si ces entreprises ne sont pas tout à fait nouvelles, elles ont en revanche profité de la crise du Covid et des nouveaux véhicules pour accélérer leur développement auprès des particuliers : création de centres de réparation, points de rachat sec, bureaux de vente, etc. Aures Holding, qui opère principalement en Europe de l’Est, rapporte que « 70% de nos voitures sont vendues ailleurs » que là où elles ont été achetées. Le rapport 2021 d’Aramis ne dit rien d’autre : « L’objectif du groupe est d’augmenter l’offre de professionnels auprès des particuliers en profitant de la très grande flotte d’occasion disponible en France et au Royaume-Uni », précise cette filiale de Stellantis. Des entreprises devenues expertes à maximiser les profits à l’échelle européenne : acheter dans un pays low-cost avec un prix bas, réparer le véhicule, puis le revendre sur le marché où il pourra trouver preneur au prix le plus élevé !
Une équation toute simple que favorise la situation actuelle : « Les constructeurs ont généralement une ligne de produits pour toute l’Europe. Il y a vraiment des adaptations pour certains marchés, par exemple en Scandinavie, où il est important d’avoir un volant chauffant. véhicules sont très similaires, alors qu’il y a trois-quatre ans, la finition du même nom n’avait rien à voir avec la finition proposée en France et, par exemple, en Espagne », souligne Yoann Taitz. En effet, la crise des semi-conducteurs a contraint les constructeurs à rationaliser leur approvisionnement en différents niveaux de finition : une aubaine pour les commerçants qui savent que les voitures d’occasion sont désormais interchangeables de l’Europe du Nord à la Méditerranée !
Cette fuite des biens d’occasion en France entraînera logiquement une hausse des prix sans précédent. Selon Eric Champarnaud, représentant de C-Ways, « la croissance des prix à fin août est de +20% » par rapport à fin août 2021, alors que les stocks de véhicules professionnels sont dangereusement bas. Yoann Taitz parle même de « bulle » dans les véhicules d’occasion ou de 3ème main tant les prix sont élevés. Toute la question maintenant est de savoir quand et comment ça va exploser…