A Strasbourg, ces médecins soulagent le Samu et les urgences

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« Depuis quand as-tu mal au ventre ? », « As-tu de la fièvre ? », « Où as-tu mal à la jambe exactement ? » Installé au milieu de la plateforme téléphonique 15 de Strasbourg, ce médecin libéral enchaîne bilans d’urgence, pré-diagnostics et conseils médicaux par téléphone à un rythme assez soutenu ce mercredi matin de fin mai. En revanche, il ne répond pas aux personnes qui ont appelé les numéros d’urgence 15 ou 112. En effet, depuis quelques semaines, les Bas-Rhinois confrontés à une maladie ou à un problème de santé mineur sont incités à passer par le nouveau dispositif » Un Médecin 116 117″, dont l’objectif est de désengorger les lignes téléphoniques du Samu et les urgences hospitalières, en réorientant les patients vers la médecine municipale, si possible.

Car à Strasbourg, comme dans toute la France, la saturation des services d’urgence s’aggrave. Le collectif infirmier Inter-Urgences, qui recensait mardi environ 80 services en grève sur l’ensemble du territoire, appelle également à une mobilisation nationale ce jeudi 6 juin, alors que la loi Santé est en cours d’examen au Sénat. Pour le Bas-Rhin, le Samu, qui reçoit entre 800 et 1.200 appels par jour, a été mis en cause après le décès d’une femme en décembre 2017. Les urgences hospitalières voient transiter plus de 280.000 personnes par ce service de ballast. « Le service des urgences adultes du CHU de Strasbourg a enregistré plus de 75 000 appels en 2018, soit près de 210 par jour. Ce nombre a augmenté de plus de 6 % en un an, note le professeur Pascal Bilbault, chef des services d’urgences au Pôle. d aux Hôpitaux universitaires de Strasbourg (HUS).Les patients se rendent aux urgences avant même d’avoir essayé d’appeler leur médecin ou un médecin de garde.Cependant, dans plus de 40% des cas, ces urgences relèvent d’une consultation médicale municipale.

Décrocher un rendez-vous le plus rapidement possible

Face à ce constat, l’Agence régionale de santé (ARS) Grand-Est a demandé à l’Union régionale des professionnels de santé libéraux-médecins (URPS ML) Grand-Est de réfléchir à une solution. C’est ainsi qu’est né « Un docteur 116 117 », qui a été officiellement rendu public en mars, mais dont le déploiement progressif auprès des médecins a débuté en novembre. « Notre priorité était d’imaginer un dispositif simple dont le niveau de restriction était acceptable pour nos confrères », confie le Dr. Guilaine Kieffer-Desgrippes, présidente de l’URPS-ML du Grand-Est.

Comment cela fonctionne-t-il réellement ? Entre 8h00 et 20h00 du lundi au vendredi, en cas d’urgence perçue, le patient qui n’a pas pu prendre rendez-vous avec son médecin assistant peut appeler gratuitement le numéro 116 117 (le même que celui mis en place par le gouvernement en 2017 pour la permanence des soins ambulatoires de nuit, entre 20h et 8h et le week-end, et testé dans trois régions de France). Il contacte un médecin libéral régulateur qui, si nécessaire, recherche un médecin disponible non loin du domicile du patient pour prendre rendez-vous dans les meilleurs délais. Pour retrouver cette requête, le médecin régulateur utilise une application appelée Entr’actes à travers laquelle il envoie des notifications aux médecins abonnés à la plateforme. L’un d’eux peut alors accepter de prendre en charge le patient selon ses disponibilités.

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Le médecin. Claude Lutz, qui travaille en groupe, participait déjà à la polyclinique (après-midi et week-end), et il lui semblait « naturel » d’intégrer également ce nouveau dispositif. « Je libère deux jours et demi par mois, en prévision d’un à deux mois. Je réponds en moyenne à cinq appels par heure, le nombre a doublé depuis le début de la campagne publicitaire. » Affections infectieuses (gastro, bronchite, oto-rhino-laryngologie), douleurs (abdominales, céphalées, lombalgies), inconfort… Les motifs d’appel des patients sont variés.

Inédit en France, ce service sera testé pendant trois ans. Il est entièrement financé par l’ARS. Hors investissements de lancement, le budget annuel prévu pour le fonctionnement effectif du système s’élève à 350 000 euros. « Les médecins libéraux estiment qu’ils passent déjà 12% de leur journée à s’occuper de soins non programmés. Cette solution est très bien accueillie, notamment chez les jeunes médecins, car elle facilite aussi leur organisation », souligne le Dr. Guilaine Kieffer-Desgrippes. Près de 150 médecins généralistes sont inscrits sur la plateforme à ce jour (sur 1.300 dans le Bas-Rhin), dont 70 en Eurométropole. Le réseau s’étend jusqu’à 80 kilomètres depuis la capitale de l’Alsace. Entre ses deux cabinets (l’un au coeur de Strasbourg et l’autre en périphérie) et ses visites à domicile, le Dr. Djilali Saïche fait partie de ceux qui ont décidé de tenter l’aventure. « Je peux insérer ces patients entre deux rendez-vous ou en obtenir un lorsqu’un de mes rendez-vous a été annulé, témoigne-t-il. C’est dommage que les gens se rendent aux urgences inutilement alors que certains médecins ont encore des postes vacants dans la journée. » A travers « Un Docteur 116 117 », il traite principalement les cas de douleurs aiguës ou d’infections saisonnières. Ce sont surtout les jeunes adultes qui utilisent l’appareil à ce stade, selon lui.

Déjà 15% des appels au Samu rebasculés

Enthousiaste, Dr. Saïche loue toutefois le fait que le dispositif « repose sur le volontariat et permette de s’éteindre lorsqu’il n’est pas disponible ». L’ARS, pour inciter les médecins libéraux à adhérer à cette initiative, finance une majoration de 13 euros par acte et par patient versés en fin de mois, plus deux euros versés en fin d’année par patient. « Côté patient, nous sommes en pleine campagne de communication, dans les stations-service, les magasins, les cabinets médicaux, pour développer le réflexe 116.117 au lieu d’encombrer les urgences », précise Adeline Jenner, déléguée territoriale Bas-Rhin à l’ARS Grand -Est. Environ 5 000 dossiers ont été créés à ce jour depuis l’ouverture du service, soit 50 en moyenne par jour. « Pour 60% des consultations, un simple avis médical a suffi et il n’y a pas eu de consultation », précise le Dr. Guilaine Kieffer-Desgrippes.

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Au bout de la chaîne, on ressent les premiers effets de l’appareil. « Environ 15% des appels passés vers le centre 15 ont déjà été transférés vers le 116.117, se réjouit le Pr Pascal Bilbault. Notre objectif est de dépasser les 20-25% dans les mois à venir. » D’autres objectifs que l’ARS s’est proposés – opérationnels ou de satisfaction des médecins et des patients – détermineront l’avenir de la plateforme à l’issue de l’expérimentation. « On pourrait envisager de l’étendre à la région Grand-Est », confirme Adeline Jenner, notant qu' »au moins une autre ARS » s’est déjà montrée très intéressée par l’idée et pourrait vouloir la mettre en œuvre dans sa région. « Nous avons également été contactés par plusieurs autres URPS en France », ajoute le Dr. Guilaine Kieffer-Desgrippes, qui envisage déjà d’étendre cet outil aux médecins spécialistes et autres professionnels de santé, comme les infirmières libérales. Tourné vers l’avenir, le Dr. Claude Lutz a déjà identifié un point d’amélioration : « Afin que le dispositif remplisse au mieux son objectif d’aide au désengorgement des urgences hospitalières, les patients arrivant aux urgences pour des cas pathologiques liés à la médecine libérale peuvent contacter le 116 117 des urgences. département et être ainsi réorienté vers une pratique libérale.

Un Médecin 116 compte pour son lancement dans les médecins eux-mêmes, mais aussi dans une campagne de communication qui vise à changer les habitudes et à créer une nouvelle réflexion, selon l’ARS Grand-Est.