Assurance : Indexia bientôt jugée pour « pratiques commerciales…

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Written By MilleniumRc

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« J’ai pris une assurance SFAM (ex-Indexia) pour un téléphone à 15,99 euros/mois en 2016 dans un espace SFR », raconte Isabelle, qui travaille dans le marketing et souhaite rester anonyme. Mi-2022, il a été averti par des prélèvements « douteux ». Elle se rend compte que plusieurs sociétés appartenant à Indexia lui facturent trois à quatre fois par mois sous différents titres pour des services qu’elle prétend ne pas avoir demandés. En six ans, cette quinquagénaire dit avoir été débitée d’environ 10 000 euros et avoir obtenu 4 000 euros de remboursement, après avoir « harcelé » le service client.

« Ma mère a acheté un téléphone en 2016 pour 68 euros… Au final, ça lui a coûté plus de 4 000 euros », raconte Gil Grosson. Après avoir demandé en juin 2022 l’envoi des contrats correspondant aux prélèvements, il dit s’être rendu compte que la signature sur le contrat initial et le mandat de prélèvement n’était pas celle de sa mère de 77 ans. « Ce sont des gribouillis » et l’adresse e-mail à laquelle Indexia utilisait pour envoyer les mentions « n’existe pas », ajoute-t-il. Les prélèvements sont passés de 3,90 euros/mois à près de 180 euros, avant que la Banque postale ne les bloque au retrait.

Après avoir « révolutionné » l’assurance multirisque téléphonique et créé un groupe de services de 3.000 salariés en Europe, Sadri Fegaier, 43 ans, et plusieurs sociétés de son groupe Indexia comparaîtront prochainement devant le tribunal correctionnel de Paris pour « pratiques commerciales trompeuses », selon le parquet de Paris. Ce procès fait suite à une deuxième enquête pour fraude qui a révélé de telles pratiques. Le premier s’est soldé par une transaction pénale assortie d’une amende d’environ 10 millions d’euros, selon des sources concordantes. Si les faits sont avérés, Sadri Fegaier encourt deux ans de prison et 300 000 euros d’amende, mais il se dit « calme ».

Sommaire

Un groupe de 3.000 salariés

Le groupe est peu connu du grand public, mais ses marques font pourtant partie du quotidien de millions de consommateurs, à travers 2 500 points de vente en Europe : SFAM et Celside (assurance des produits multimédias), Cyrana et Foriou (programmes de réduction ), Serena, Hubside… « Ça a commencé avec les magasins franchisés SFR », BTS assurance en poche, se souvient un partenaire. Il est « fascinant, extrêmement rapide, extrêmement intelligent. Il n’est pas flamboyant comme Bernard Tapie mais il y a quelque chose de cela ». Après avoir commercialisé son assurance auprès de la Fnac en France entre 2017 et 2019, Sadri Fegaier a discrètement racheté 11,35% de Fnac-Darty pour 335 millions d’euros via le prédécesseur d’Indexia SFAM. Puis Indexia a ouvert des boutiques multimédias en 2020 : les Hubside Stores. Le groupe veut devenir le leader de l’arrangement et se développe dans la location de matériel (drones, scooters électriques, etc.), visant 500 Hubside Stores d’ici fin 2023, contre 130 actuellement.

Depuis sa création en 2010 à Romans-sur-Isère (Drôme), son volume d’affaires est passé de quelques millions d’euros à plus d’un milliard. Objectif 2023 : 1,26 milliard d’euros. Avec fierté, Sadri Fegaier montre un ensemble de téléconsultants à Romans-sur-Isère, sa ville natale, où il a fait construire un complexe vitré aux intérieurs minimalistes, d’un blanc presque aveuglant. La plupart des salariés sont jeunes, tirés à quatre épingles et bien mieux payés que dans le reste de la profession. Indexia est « le deuxième employeur privé de la ville », selon la maire Marie-Hélène Thoraval, qui salue le « dynamisme » que les jeunes salariés apportent à cette ville, meurtrie depuis la fin de son industrie de la chaussure. Sadri Fegaier « est fier qu’il réussisse à employer des personnes qu’il considère que la société française ne leur laisse pas de chance, souligne un associé. De ce point de vue, il aime beaucoup ».

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Première enquête de la DGCCRF

Ces vitrines (et produits) lui permettent de vendre ses services à quelque 8 millions de prétendus « clients en gestion » et de « battre le client de A à Z », affirme Sadri Fegaier, devenu la 58 fortune professionnelle française selon les Fortunes Challenges. . Classification. . Certains de ses partenaires sont de plus en plus prudents. Ainsi Fnac-Darty n’a pas souhaité renouveler le contrat en France et en Espagne. Les « conditions financières » de la Fnac « n’étaient pas bonnes pour nous », répond Sadri Fegaier.

La fin de ce partenariat est intervenue après que la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) a ouvert une enquête en 2018. Elle conclut, après une perquisition en octobre 2018, que « la méthode de vente utilisée dans la commercialisation des produits du groupe SFAM (assurance SFAM et programme de fidélité Foriou) constitue le délit de pratiques commerciales trompeuses ».

Pour éviter un procès, le groupe s’était engagé en juin 2019 à indemniser les clients qui en feraient la demande dans un délai de trois mois et à payer une amende dans le cadre d’une transaction délictueuse. Il s’agit d’environ 10 millions d’euros, selon une source proche du dossier. Un montant « proportionné à la gravité des pratiques », estime la DGCCRF. Une somme « rare », pointe Raphaël Bartlomé, responsable du service juridique de l’UFC-Que Choisir.

« C’est un calcul qu’ils font par rapport au chiffre d’affaires », explique Sadri Fegaier, pointant l’heure de l’ouverture de l’enquête : début 2018, son activité est florissante et le fonds qu’Ardian a investi a rejoint un fonds Rothschild en dont le capital du groupe. Ils sont suivis tout au long de l’année par la Caisse des dépôts et consignations, un établissement public, et le fonds souverain émirati Mubadala. « On a pris note des critiques qui ont été faites, on sait que les contrats ont été passés avec nos distributeurs (…) Aujourd’hui chez Hubside Store, c’est nous qui faisons les ventes », poursuit-il.

Nouveaux signalements par centaines

Mais les signalements sont encore nombreux et concernent également les magasins Hubside. Avec la multiplication des témoignages dans plus d’une dizaine de médias et sur les réseaux sociaux, l’UFC-Que Choisir indique avoir reçu « près de 500 nouveaux signalements » depuis septembre. Le médiateur des assurances Arnaud Chneiweiss affirme recevoir « des centaines de plaintes » qui contestent « la volonté de s’assurer » concernant diverses compagnies dont Indexia, qu’il identifie « parmi les acteurs qui posent problème ». Afin d’engager une action en justice contre Indexia, l’avocate Emma Leoty a déposé fin novembre une assignation devant le tribunal de Paris pour une action collective collective qui regroupe 61 dossiers. Elle affirme recevoir des appels « presque quotidiennement » de consommateurs de tous horizons, parfois « asphyxiés » par les prélèvements.

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Maître Leoty a obtenu la première condamnation en juillet pour un homme qui a retiré plus de 9 000 euros en dix ans. Ce retraité, qui souhaite rester anonyme, affirme avoir perçu des remboursements « au fur et à mesure des prélèvements réglés » pour un montant total d’environ 7.000 euros, dont une partie a été obtenue « juste avant l’audience ». « Nous n’avons pas été condamnés », a déclaré le premier Sadri Fegaier, avant d’avouer, réclamé à plusieurs reprises, cette peine de mille euros de dommages et intérêts et frais de justice. Ses avocats ont fait appel. Quelques clients sont encore insatisfaits, insiste-t-il, soulignant qu’il gagne « deux millions de nouveaux clients chaque année au niveau européen » et insistant sur ses contrôles qualité. Mais « combien de Français sont échantillonnés sans le savoir ? » demande Maître Leoty.

Pas encore de date d’audience

Rien ne semble ébranler le groupe, qui a vu le pundit des télécommunications (Altice, SFR) Alain Weill (434e fortune professionnelle selon Challenges) rejoindre son conseil d’administration fin novembre. Cependant, juste après l’opération criminelle, la DGCCRF a ouvert une deuxième enquête, les signalements ont continué à affluer. « Il vaut mieux que la DGCCRF fasse des contrôles », estime Sadri Fegaier. Son bras droit Jean-Pierre Galera ajoute que c’est le cas de « toutes les grosses entreprises qui traitent de très, très gros volumes ». La DGCCRF indique que sa deuxième enquête « a révélé des pratiques consistant à tromper les consommateurs qui souhaitent arrêter les prélèvements, résilier leurs abonnements et se faire rembourser les sommes réduites après la résiliation de leur contrat, dont les demandes ont été considérées comme effectives même ».

La DGCCRF a transmis le dossier à l’autorité judiciaire et le parquet de Paris a annoncé fin août que plusieurs sociétés du groupe et le PDG allaient comparaître pour « pratiques commerciales trompeuses » devant le tribunal correctionnel de Paris. Une date d’audience n’a pas encore été fixée. Sadri Fegaier affirme qu’il n’a pas (encore) été cité à comparaître. « L’objectif aujourd’hui, c’est justement que l’affaire fasse beaucoup de bruit, qu’il y ait beaucoup d’articles et de médias dessus, je vous dis qu’il ne faut pas en faire tout un plat, dit-il. Je suis très serein ».

Selon des sources concordantes, il y a tellement de parties civiles au procès que le choix de la date d’audience a été reporté jusqu’à ce que tout soit enregistré. Sadri Fegaier, ne manque pas : « Vous savez, les critiques, on en a toujours mais la seule chose qui pourra y répondre, c’est qu’elles durent dans le temps ».