Animaux parfaitement adaptés au milieu marin et pourtant capables de s’évader sur la terre ferme, le Boréal 44 frôle l’excellence depuis sa création. Et pourtant, il mute encore ! Une évolution soigneusement pesée par son créateur…
Sommaire
LE BATEAU DE VOYAGE IDÉAL
LORSQUE LE BORÉAL 44 a été présenté au public au Grand Pavois 2009, il a été salué – à juste titre – comme le bateau de croisière idéal, hauturier, agile en cabine, confortable sous les plus longues latitudes. Et voté par un jury à l’unanimité comme Voilier de l’Année. Mais l’idéal n’est pas de ce monde et l’évolution ne s’arrête pas, comme avec Darwin. La preuve en est que, treize ans et 86 Boréals plus tard, elle rattrape une nouvelle version du même 44 pieds.
Jean-François Delvoye, son créateur, n’en est pas un pour le changement, ni pour le marketing. Et en voyant son sourire à la barre du Boréal 44.2 qui salue les rafales à l’embouchure du Jaudy, le fleuve Tréguier, on se dit que cette nouvelle carène que nous testons pour la première fois lui donne entière satisfaction. Plus volumineux et plus large à la flottaison, il offre plus de stabilité, plus de puissance et des mouvements plus fluides, et la stabilité sur route est toujours impressionnante avec l’aide des ailes arrière. Dès que l’on baisse la dérive sous le vent, on sent la barre s’éclairer et le bateau reposer sur son axe.
L’embryon de quille, dont le lest est sous forme de cubes de plomb isolés dans la résine, ajoute à cette douceur que l’on apprécie au portant vers Sept-Iles et Port-Blanc. Cette formule de mousqueton lesté tout-terrain, stable au sol mais plus efficace que les bancs centraux puisque le centre de gravité est abaissé d’autant, reste le principal atout de ce combattant. Notre projet est aussi de voir de plus près ce ballast à la magie de la marée côté Port-Blanc, car la plage est bel et bien sur le bord de notre Boréal.
Mais il y a d’abord quelques virements à tirer contre le vent d’ouest, et c’est l’occasion d’évaluer in situ l’évolution la plus marquante de ce 44.2 : le cockpit. L’ancien était un peu à l’étroit, coincé entre le pont arrière recouvrant une immense cale, un poste de barre un peu étroit et une table de cockpit calée sous le capot. Chaque zone avait sa place et sa fonction, mais dans l’ensemble, l’espace était limité. Sur le nouveau Boréal 44, la surlargeur de la coque a été mise à profit pour donner vie à ce trou, devenu du coup beaucoup plus accueillant. Les bancs ne sont plus parallèles mais suivent une géométrie légèrement trapézoïdale qui facilite la circulation.
FIDÈLE A LA GRANDE BARRE A ROUE
Mais Jean-François n’est pas allé jusqu’à proposer deux volants déportés, comme sur le Boréal 47.2. Il est resté fidèle à la grande roue centrale, une formule qui a ses adeptes, et sans doute le chantier Tréguier est le dernier à proposer en France. Il vaut la peine? En plus de l’esthétique et de la détection de barre, il simplifie la transmission des mouvements au secteur de barre situé directement en dessous, en sortie un seul tube de gouvernail soutenu par quatre solides feuilles d’aluminium formant une dérive, une structure quasi indestructible.
Quant au principe de la monobrasserie, il est encore insurmontable pour Jean-François, notre marin architecte-constructeur qui est encore marqué par un dévouement marin complexe qui s’est passé après avoir été influencé par le guide du port de plusieurs choses. On peut en débattre, mais clairement un réalisateur en ligne est moins exposé que deux décentrés. Surtout quand on prétend naviguer dans les régions les plus reculées, on risque d’être mal cartographié et loin de toute aide.
Mais revenons à notre cockpit et son grand volant monté sur une solide console avec l’outillage nécessaire. Le safran est maintenu droit, bien calé au vent sur la bosse centrale, ou posé sur le plat-bord : son diamètre est suffisant pour cela. Tout en ménageant un passage à tribord, entre
les deux accèdent au coffre arrière. Cette prise est toujours là, mais l’énorme panneau d’accès central a disparu. Si une partie de cette fonte subsiste, elle est plus basse et ne couvre que la position du radeau de survie parfaitement intégré et un coffre à gaz dédié pouvant accueillir deux grosses bouteilles. Le ventre est accessible par les côtés, et est toujours très large à bâbord.
UN DOG-HOUSE PARFAIT POUR LA VEILLE
Sur les hiloires, toujours à la main du barreur, deux paires de winches dédiées aux écoutes. C’est le stage, considéré comme plus polyvalent que l’ancien putt autoportant du Boréal 44, toujours en place aujourd’hui. La tête du maître-bau occupe également son treuil, mais il peut être facilement libéré – pour une ligne de fourrure par exemple – en utilisant le proxy installé sur le côté du rouf. En mode manuel, il faut prendre le temps de couper une jambe au portant, sur le mouillage ou le pavois, pour wincher à l’aise. En mode électrique … asseyez-vous sur le siège arrière et appuyez sur le bouton. Ce plan de pont, qui laisse les drisses et bosses de ris en pied de mât, fonctionne bien.
Par rapport au Boréal 47.2, il y a cependant moins de rangement pour les manœuvres de routine qui ont tendance à envahir le passage si l’on ne fait pas attention. Les manœuvres s’enchaînent sans encombre, et les terribles têtes de rochers qui protègent du vent le défilé côtier de Trigor. On soigne notre remontée au vent pour limiter le nombre de plaquages et voir un angle très honnête
de 50 à 55° avec un vent réel établi à 15-16 nœuds, à une vitesse de 6 nœuds.
Alors qu’un dernier bord nous amène à l’entrée de la baie de Port-Blanc, je passe mon quart sous la niche aux vitres légèrement fumées. Naviguer au sec, bien calé à l’abri de la solide porte étanche : c’est un bonheur qui ne change pas d’une génération de Boréal à l’autre. Mais pas question de somnoler sur le généreux siège rembourré : le moteur démarre et c’est sur le pont que j’appelle pour prêter main-forte à Eric qui s’apprête à le descendre. Port-Blanc et les merveilleuses plages s’ouvrent à nous ! La grand-voile s’enroule en un tour de main, le lazy bag zippé sur la bôme très accessible.
UN BORÉAL 44.2 IMMATRICULE A AUCKLAND
Nous arrivons juste à temps pour passer le petit portail qui sépare le mouillage principal d’un certain sanctuaire secret sous le vent de l’île de Saint-Gildas. Il suffit de poser la pioche dans 1,50 m d’eau et de laisser agir la marée. Moins de deux heures plus tard, nous inclinons la large plateforme arrière et installons sa solide échelle de bain télescopique : c’est l’heure de la
sous notre arrondissement. Il n’y a rien de nouveau dans la vie sous-marine, toujours la quille embryonnaire évoquée précédemment, stable contre la terre et qui protège bien l’hélice, ce safran tourne un peu comme une « porte de grange » mais est profilé avec soin.
Ce qui change, c’est le volume de la coque qui est désormais visible à la lumière du jour, et le franc-bord est plus élevé. Mais la silhouette générale, inimitable, est boréale. Idem pour le carré, surélevé et décalé sur bâbord, dans lequel on se replie lorsque la fraîcheur du soir tombe. Et en bas de la descente, c’est un peu le jeu des sept différences qui continue… Ce qui n’a pas changé : l’ambiance chaleureuse, la séparation des espaces – cuisine longitudinale à la table et carré surélevé à bâbord, avec quelques-uns les principaux niveaux varient – vision panoramique, qualité d’isolation thermique et phonique – liège projeté et mousse PVC en standard. Ce qui change : la hauteur sous poutres sous la niche : elle a augmenté de 11 cm ce qui est une excellente nouvelle pour les personnes de grande taille !
Willow II, notre Boréal 44.2, a aussi quelques particularités. D’abord, c’est le premier Boreal immatriculé à Auckland, en Nouvelle-Zélande, et les skippers en sont très fiers. Ensuite, ses propriétaires ont choisi le local technique sur le côté gauche à tribord, et il sert déjà à ranger pas mal de matériel, de l’hydrogénateur Watt&Sea aux différentes caisses à outils en passant par la quincaillerie rangée dans les tiroirs sous le sea frame. est souvent aménagée en cabine, soit en cabine double classique, soit à deux mouillages superposés. Cette dernière formule est souvent considérée comme un bon compromis, permettant de stocker du matériel et parfois d’endormir des personnes.
Pour le reste, on est sur un Boréal assez classique avec sa grande cabine avant où la capacité de rangement est vraiment impressionnante, que ce soit dans les multiples placards ou sous les rangements situés sur les vestes. Les toilettes/douches privatives ne sont pas mal non plus, même si la hauteur sous barrot est limitée (1,83 m dans la douche). Côté cuisine, pas de quoi se plaindre non plus, surtout avec le luxueux GN Chef (en option) de la gare. Les surfaces de travail sont généreuses et le panneau du réfrigérateur n’est pas numéroté, puisque ce dernier s’ouvre sur un tiroir.
8 NOEUDS SOUS UN RIS ET TRINQUETTE
Surveillez vos pas si vous enjambez l’évier, par exemple pour accéder à la poubelle. On s’y habitue vite, mais au début on peut être surpris par ce changement de niveau. La banquette centrale permet de bien intégrer la planche à découper et offre une bonne capacité de rangement logiquement axée sur le ravitaillement. L’ensemble crée un espace de vie cosy, et la qualité des menuiseries légères, l’isolation et la ventilation bien maîtrisées ajoutent à la sensation de confort. Rappelons que le bord de la
Une niche est aussi une grande prise d’air qui ventile les cabines, tandis que le carré possède ses propres bouches d’aération.
LE BORÉAL 44.2 EN CHIFFRES :
Enfin une bonne note pour tenir le moteur, très gros et très bien isolé aussi, car nous pointons à 2h du matin alors qu’il faut rejoindre le mouillage à flot pour le retour. Eric prend grand soin de reposer l’ancre du Spade et utilise pour cela les commandes du pare-brise à la base du mât. C’est là qu’est stockée la chaîne de 100 m de 12, soit un peu plus de 300 kg… Sur Boréal, on fait beaucoup de choses au pied de l’arbre, le dos bien calé dans les chiots. Il y a les drisses, ainsi que les bosses de ris, et même la bosse centrale de dérive qui passe par le mât et revient au winch.