Chômage et besoins d’emploi : ce que nous dit la géographie

Photo of author
Written By MilleniumRc

Rédacteurs passionnés de culture, d'actualité et nouvelles de tout genre

La réforme la plus récente de l’assurance chômage consiste à réduire la durée d’indemnisation lorsque le contexte macroéconomique est favorable. Olivier Bouba Olga, professeur des universités, montre cependant, à partir de la cartographie des besoins de recrutement dans l’aire métropolitaine, qu’il ne sera pas efficace dans la grande majorité des cas d’aborder le problème du point de vue de l' »opportunisme » des chômeurs.

Le gouvernement a décidé de réformer l’assurance-chômage, qui consiste à réduire la durée d’indemnisation de 25 % lorsque le taux de chômage passe en dessous de 9 %, en moyenne, en France. L’hypothèse de base d’une telle réforme est la suivante : si des personnes sont encore au chômage alors que le contexte macroéconomique est favorable et que de nombreuses entreprises sont en mesure de recruter, c’est parce que les incitations des chômeurs à reprendre le travail sont insuffisantes. En réduisant la durée d’indemnisation, on favoriserait le retour à l’emploi et, ce faisant, on pourrait mieux couvrir les besoins des entreprises. Tout cela relèverait d’un comportement opportuniste des chômeurs qu’il convient de recadrer en modifiant le système d’incitations.

Sommaire

La question de « l’opportunisme » des chômeurs

Il y a des cas de gens qui retardent leur retour au travail à cause du régime d’assurance-chômage, bien sûr, mais ces cas ne sont pas aussi simples qu’ils le paraissent.

Dans certains cas, tout d’abord, il est souhaitable de retarder le retour à l’emploi, à l’échelle de l’individu comme à l’échelle de l’entreprise qui finira par le recruter, si le délai de prospection est accepté, la qualité peut être amélioré. d’appariement. Dans d’autres cas, donc, les retards de retour à l’emploi résultent moins d’un système d’assurance chômage trop généreux que de problèmes d’emplois proposés ou liés au retour à l’emploi : par exemple, une femme élevant seule ses enfants, vivant de ses indemnités de chômage et allocations familiales, peut préférer rester au chômage si les emplois qui lui sont proposés, à temps partiel et avec des horaires de travail fragmentés, impliquent des déplacements et de la garde d’enfants car elle devrait vivre avec beaucoup moins que le peu qu’elle a du chômage. . Enfin, dans d’autres cas, on a affaire, oui, à des comportements opportunistes, inévitables dans un pays où des millions de personnes sont au chômage. L’enjeu est de savoir si ces problèmes d’incitation sont à l’origine du chômage.

Cependant, à notre connaissance, nous n’avons pas de quantification précise du problème. Ce que l’on peut dire malgré tout, c’est pour comprendre à quel point il est important, selon les derniers chiffres de Pôle Emploi, que seuls 67,3% des chômeurs soient inscrits en catégorie A, B ou C indemnisés : Une assurance chômage trop généreuse pour eux, qui représente un tiers des chômeurs inscrits, n’est pas acceptée, les amenant à ne pas reprendre le travail. Autre aspect du contexte, avec 2,3 millions de chômeurs au sens du Bureau International du Travail (BIT) selon l’INSEE, et 373 100 emplois vacants selon la DARES, il s’avère que la question des écarts est loin d’épuiser la problématique du chômage : en les éliminant d’un coup de baguette magique, près de deux millions de personnes resteraient au chômage au sens de l’OIT.

Dans tous les cas, la réforme aura des effets, qui peuvent être considérés comme positifs, s’ils permettent de lutter contre les comportements opportunistes, mais aussi négatifs, si la qualité de certains appariements se dégrade, ou s’ils tombent dans la précarité des personnes, comme dans l’exemple des familles monoparentales évoqué plus haut. En effet, dans tous les cas où la situation des chômeurs résulte d’autre chose que d’un comportement opportuniste, la réforme peut être considérée comme inappropriée. Or, une simple analyse de la géographie du chômage suggère que ces cas sont particulièrement nombreux.

Géographie des taux de chômage

Le principal argument avancé par les partisans de la réforme est que dans un pays où il y a des centaines de milliers d’emplois non pourvus et où le taux de chômage avoisine les 7,4 %, il n’est pas permis que les gens soient « mieux » au chômage. C’est donc une réforme juste que de ramener le temps d’indemnisation en dessous d’un certain taux de chômage, en l’occurrence 9% sur la moyenne nationale comme proposé. Pourtant, l’argument se heurte à un terrible problème lorsqu’on regarde une carte des taux de chômage en France.

À LIRE  Assurance automobile obligatoire : il n'y a pas d'action de la victime contre l'agent, qui n'est pas responsable de l'indemnisation due par l'assureur étranger.

Le taux de chômage de 7,4% en moyenne en France comprend de fortes variations géographiques : il varie de 3,5% aux Herbiers, 3,6% à Vitré, 3,7% au Mont-Blanc et 4% à Beaune, à un extrême, 14,1% à Agde – Pézenas, 12,4 % à Maubeuge et 12,2 % à Alès et Valenciennes, à l’autre bout. Sur les 287 zones d’emploi, 40 ont un taux de chômage supérieur à 9 % (seuil de réforme) et représentent 21 % des chômeurs de France métropolitaine ; 109 d’entre eux ont un taux de chômage supérieur à la moyenne et représentent 45% des chômeurs.

Comment expliquer ces différences ? Si l’on suit la logique des tenants de la réforme, qui considèrent que le maintien au chômage ne relève que d’un problème d’incitations, alors la carte française des taux de chômage est une carte de la France des « assistés » : territoire qui souffre du plus haut. le taux de chômage serait un territoire où les chômeurs bénéficieraient plus du système que partout ailleurs. On serait donc structurellement plus paresseux dans le nord de la France et le pourtour méditerranéen, là où les taux de chômage sont les plus élevés, que dans les autres territoires – hypothèse difficilement soutenable.

Il faut préciser que ce n’est pas la même chose que de dire que décider d’un seuil national est une mauvaise idée, qu’il vaudrait mieux décider de seuils régionaux ou locaux, comme on le pense depuis un certain temps. Cela montre que la seule lecture d’une carte de France sur les taux de chômage invalide la théorie de la réforme, sauf à émettre l’hypothèse que la géographie du chômage est le reflet de la géographie de complaisance.

La diversité des problèmes locaux d’appariement

Mais rejeter cette hypothèse explicative revient ipso facto à reconnaître que l’un ou plusieurs des autres problèmes que la réduction de la durée d’indemnisation ne résoudra pas est celui de rester au chômage.

Cependant, les problèmes sont nombreux et bien documentés : certaines personnes peinent à retrouver un emploi car elles ne maîtrisent pas les compétences attendues d’elles, ce qui appelle des réponses dans une perspective de politique de formation ; d’autres ont des problèmes de mobilité, parce qu’ils n’ont pas le permis, ou qu’ils n’ont pas de voiture, et qu’il n’y a pas d’autre solution pertinente ; d’autres ont des problèmes de logement (absent ou trop cher), par exemple pour répondre aux besoins de main-d’œuvre saisonnière, notamment sur le littoral ; pour d’autres, les problèmes de garde d’enfants doivent être résolus. Sans parler de la question de l’image de certains métiers, des conditions de travail et de rémunération que proposent certaines entreprises, de la manière dont elles communiquent sur les métiers qu’elles proposent, des compétences qu’elles attendent qu’il faille revoir, etc.

La carte française des taux de chômage n’est donc pas une carte de la France des opportunités, mais c’est bien une carte qui montre la géographie de tous ces problèmes. Ainsi, en réduisant la durée d’indemnisation de tous les chômeurs, on risque que nombre d’entre eux plongent dans une forme incertaine ou une autre, en transformant les chômeurs en travailleurs pauvres, ou en les condamnant à vivre de l’aide sociale.

Un problème de mobilité interterritoriale des chômeurs ?

La carte précédente pourrait suggérer (trop) rapidement que la déconnexion entre le lieu de résidence des chômeurs et celui des emplois disponibles est une explication fondamentale de la géographie du chômage. Il suffirait donc de favoriser la mobilité des chômeurs vers ces zones pour réduire le problème. Un tel argument permettrait, dans une certaine mesure, de rapprocher l’argument de la réforme et la carte française des taux de chômage : il y aurait en effet un problème d’incitation, pour la mobilité interterritoriale cette fois, mobilité qui . permettre le retour à l’emploi.

À LIRE  La société britannique GSK fait face à de nouvelles poursuites judiciaires concernant les effets secondaires du vaccin contre la grippe à la suite de la décision du tribunal finlandais.

Si c’était la cause de la géographie du chômage, il est douteux qu’une réduction de la durée d’indemnisation incite à déménager ; il pourrait être opportun, au contraire, de les aider davantage que ce qui se fait dans leurs projets de mobilité. En pratique, cependant, plusieurs aspects conduisent à relativiser fortement l’explication de la géographie du chômage par une trop faible mobilité interterritoriale.

Premièrement, il s’avère que la corrélation entre le taux de chômage et la croissance de l’emploi, au niveau des zones d’emploi en France métropolitaine, est particulièrement faible, voire nulle. Cela signifie que nous rencontrons tous les scénarios : des territoires à forte croissance de l’emploi et à faible chômage, d’autres à forte croissance et à fort chômage, d’autres encore à faible croissance et à faible chômage, enfin d’autres à faible croissance et à faible chômage. Une forte croissance de l’emploi ne garantit donc pas un chômage faible et, symétriquement, un chômage élevé ne signifie pas une absence de création d’emplois.

La carte ci-dessous montre quelques-unes des configurations observées : elle montre le tiers des bassins d’emploi avec le taux de chômage le plus élevé. Les couleurs permettent de distinguer les zones du tiers des territoires à la croissance la plus forte (vert clair), celles du tiers intermédiaire (vert foncé) et celles du tiers à la croissance la plus faible (tons roses).

Notamment, on constate que, de l’autre côté de la Méditerranée, on conjugue une forte croissance de l’emploi et un chômage élevé et, au nord du pays, une faible croissance de l’emploi et un chômage élevé : deux contextes très différents, et donc des réponses en termes d’action pour discriminer . . Dans les territoires à faible croissance et à fort chômage, la question de la mobilité interterritoriale peut certes se poser, mais la capacité à créer localement des emplois est également à considérer, voire à privilégier.

Un autre élément de preuve provient des enquêtes « besoins de main-d’œuvre » de Pôle Emploi, qui montrent des difficultés de recrutement dans un très grand nombre de territoires, avec un chômage à la fois faible et élevé. Ces problèmes sont certes liés à la géographie, mais ils ne se superposent pas au chômage. La carte de droite, notamment, montre que dans la quasi-totalité des territoires, la moitié ou plus des besoins de recrutement imaginés par les dirigeants interrogés sont des recrutements jugés difficiles.

Un dernier élément de preuve se trouve dans une note du Conseil d’analyse économique du printemps 2022, qui cherche précisément à estimer l’impact de la disparité géographique (entre zones d’emploi) sur le taux de chômage : la modélisation proposée au Conseil . les auteurs montrent qu’une amélioration de cette adéquation n’aurait qu’un impact très limité sur le nombre total d’emplois, inférieur à 2 %.

Les auteurs de la note concluent rapidement que le chômage n’est pas causé par des problèmes de mobilité géographique. Conclusion hâtive, car elle ne peut être modélisée que pour traiter les problèmes de mobilité interterritoriale, pas ceux que l’on observe au sein de chaque zone d’emploi. Or, ces problèmes de proximité, dus à l’absence de permis, de voiture, de solution de transport en commun, etc., empêchent les gens de se rendre au travail parfois à quelques kilomètres seulement de leur domicile. Ces problèmes doivent donc être résolus avant tout, au niveau de chaque territoire, en même temps que tous les autres problèmes liés à la formation, au logement, à la garde des enfants, etc.

Traiter ces problèmes n’est pas facile : cela signifie aller vers une intervention coordonnée des pouvoirs publics, que tous les acteurs qui ont les compétences et les ressources nécessaires pour traiter certains des problèmes « tournent la table » et travaillent ensemble, au niveau de chacun d’eux. territoire. Il n’est pas si simple de réduire la durée de l’indemnisation du chômage, mais si l’objectif est de réduire le chômage en France, nous sommes convaincus que ce sera plus efficace.