Dans l’agglomération de Caen (Calvados), il est extrêmement compliqué d’intégrer la population de patients d’un chirurgien-dentiste en ce début d’année 2022. Sinon impossible. C’est pourquoi.
Philippe et Alice sont « édentés », comme disent les professionnels. L’un est retraité et a déménagé à Caen (Calvados) en 2019 ; l’autre, originaire des Bouches-du-Rhône, travaille dans la commune du Calvados depuis 2017. Comme beaucoup d’autres habitants de l’agglomération et plus généralement de la Normandie, ils sont confrontés au même casse-tête : trouver un dentiste.
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» Ils ne prennent plus de nouveaux patients «
« J’ai demandé à mon fils si son dentiste, qui est basé dans le nord de Caen, pouvait m’inscrire dans son dossier patient, mais ça a été non », regrette Philippe, qui a finalement réussi à prendre rendez-vous après plusieurs semaines de recherche. cabinet dentaire situé à Épron. Et surprise : « le temps d’attente n’est que de six semaines ». Alice a contacté un autre cabinet à proximité, à La Bijude, mais « ils n’acceptent plus de nouveaux patients ». Pourquoi un tel tracas ?
Il manque 800 dentistes en Normandie
Plusieurs facteurs semblent expliquer cette tension dentaire dans l’agglomération caennaise. « D’abord, il y a une offre limitée », reconnaît François Corbeau, président du conseil du Conseil normand des chirurgiens-dentistes. Dans la région, nous avons 41 dentistes pour 100 000 habitants, contre 63 à l’échelle nationale. La densité est de 51 dans l’agglomération de Caen, toujours en dessous de la moyenne française. Il manquerait à la Normandie environ 800 professionnels pour atteindre la moyenne nationale.
L’une des causes pouvant expliquer cette désertification médicale est le manque de centres de formation en Normandie. Les jeunes qui passent leur visite médicale à Caen et choisissent d’étudier l’art dentaire se rendent à Rennes. Leurs homologues rouennais vont à Lille, Paris ou Reims. Et il est aisé de comprendre qu’après cinq ans là-bas ils ne reviennent pas en Normandie, ou alors en petite quantité. D’où la nécessité de créer des formations à Caen. Il verra le jour en septembre 2022.
Depuis deux ans, un autre facteur perturbe la prise en charge des patients : le Covid-19. « Avec une telle tension, plusieurs collègues ont pris leur retraite un peu plus tôt que prévu, sans compter la période de deux mois pendant la première quarantaine, pendant laquelle les cabinets ont dû rester fermés. Nous avons pris beaucoup de retard pendant cette période. Seules les urgences dentaires, « pour les cas vraiment compliqués », étaient prises en charge, avec seulement cinq cabinets ouverts dans le Calvados au printemps 2020.
Le confinement n’a rien arrangé
Les personnes qui avaient besoin de soins mineurs pendant la quarantaine ont dû attendre. Dans certains cas, leur santé bucco-dentaire s’est considérablement détériorée, et « les soins qui devaient être prodigués au visage sont simplement devenus plus étendus, nécessitant plus de rendez-vous ».
Le coronavirus a également imposé de nouvelles règles d’hygiène. Les dentistes sont les seuls professionnels de santé, avec leurs confrères ORL, à travailler avec des patients qui ne portent pas de masque facial. Lorsqu’ils utilisent une fraise dentaire, les projections sont nombreuses, facilitant la propagation du Covid-19 dans l’air. « Il faut donc passer plus de temps à désinfecter et aussi aérer la chambre, entre 10 et 15 minutes entre chaque patient, encore maintenant. Dans son cas, bien qu’il ait allongé ses journées de travail de 45 minutes, il soigne en moyenne 12 patients par jour, contre 15 avant le Covid.
Des listes d’attente de… 100 patients
Les délais s’allongent. Actuellement, François Corbeau n’inscrit pas de rendez-vous pour la fin juillet. « Avec les vacances d’août, on arrive vite en septembre. « Avec ses collègues de l’agglomération, c’est déjà le cas de nombreux professionnels. Pour les rendez-vous de contrôle, comme lors de la visite d’enfants de 6 ans, les délais sont parfois encore plus longs. « J’ai pris rendez-vous pour ma fille en août dernier, et elle ira chez le dentiste en… mai », assure un père de famille à Épron. « C’est du jamais vu pour moi en 31 ans d’activité », confie François Corbeau.
Plusieurs professionnels disent avoir une liste d’attente d’au moins 100 patients. « Et si des places se libèrent après un décès ou un déménagement dans une autre région, on a tendance à prendre soin de notre patientèle existante pour réduire les délais d’attente », confie un professionnel du nord de Caen. Mettre en place une formation d’une cinquantaine de dentistes par an dans le Calvados semble être la seule raison d’espérer. Mais il faudra attendre encore quelques années.
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