Coproduite avec Nantes, cette présentation rapproche tableaux d’époque, robes anciennes et textiles venus de Lyon. Une réussite intelligente.
Reine Marie Leszczynska peinte par Nattier. Dijon montre une réplique.
Nous sommes en 1748. Reine de France depuis plus de vingt ans, Marie Leszczynska pose pour ce qui doit être son dernier portrait. Elle s’est entretenue avec Jean-Marc Nattier, qui selon le comte Tessin « toutes les femmes sont folles ». Mais cette fois, il ne s’agit pas d’une plaisanterie habile. Madame Louis XV a voulu se présenter comme elle l’était tous les jours à Versailles. En d’autres termes, « en tenue de maison ». La femme a longtemps mené une vie discrète, loin des intrigues de la Cour. Elle lit dans différentes langues, joue aux cartes, peint, brode, écoute de la musique et a un petit cercle d’amis. Être là tout à fait heureux. Nattier doit le démontrer. Ce portrait privé, étonnamment, aura cependant été très bien accueilli au Salon, comme il l’était officiellement, comme en témoignent de nombreuses reproductions aujourd’hui.
Démodée pour faire sa cour
Nous sommes en 1761. Madame de Flandre de Brunville est devant le chevalet d’Alexandre Roslin. Le Suédois doit la représenter dans la même robe rouge bordée de fourrure que la reine Mary. La tenue semble un peu démodée. Le modèle n’a pas d’autre moyen de courtiser, cependant. En fait, le Souverain n’a plus jamais accordé de séance de mariage à qui que ce soit. Cependant, l’approche de Marie Leszczynska semble être à l’opposé. Si cette dernière se dégagerait de son Olympe de Versailles, la noblesse de ces derniers temps oserait se comparer à la reine, qui n’a pas son beau visage quadragénaire. La rencontre de ces deux toiles à Nantes puis à Dijon (1) représente parfaitement « l’Art de présenter au XVIIIe siècle ». Une exposition effectivement intitulée « A la mode ». Mais le mot « voir » dans les sous-titres sonne plus vrai.
Madame Crozat par Aved. Cette bourgeoise est la femme d’un des hommes les plus riches de France.
C’était excitant de regarder la mode à l’ère de l’organisation, dans deux institutions régionales. En cent ans, tout a changé. Vers 1700, la mode évolue encore lentement et peu. Il appartenait à une infime minorité. La Cour et le Paris des financiers. A partir des années 1730, le mouvement prend de l’ampleur. C’est alors le principe boule de neige. Tout va de plus en plus vite et frappe de plus en plus fort. Les marchands de journaux ouvrent les uns après les autres. Les bourgeoises imitent, souvent avec beaucoup d’argent, les femmes de la haute société. Les matches eux-mêmes doivent suivre le rythme (2). Les magazines de mode illustrés sont finalement apparus dans les années 1770. Il y en aurait toujours plus. Ils montrent parfois des changements très rapides. Les immenses paniers, brocards, grands chapeaux et broderies disparaissent subitement en 1789. En 1795, les femmes élégantes se promènent en chemises et presque sans sous-vêtements. C’est la folie du blanc, conçue pour rappeler les tenues antiques.
Robe de chambre Vaucanson. Un brocart d’une rare complexité.
Plusieurs commissaires se sont réunis pour créer un double parcours. Hormis les tableaux et les flacons de toilette, il était difficile de présenter les mêmes objets au musée des beaux-arts de Nantes début 2022 et à celui de Dijon cet été. Le papier ne tolère pas la lumière, même la lumière artificielle. Le textile aussi. Il y en a beaucoup plus. Il est actuellement en construction (3), le Musée des Tissus de Lyon n’a-t-il pas deux millions d’échantillons ? Une réalité qui donne envie de fouiller dans vos tiroirs. Ainsi Dijon affiche de merveilleux carrés de soie brodés d’or ou d’argent, qui représentent un savoir-faire presque perdu aujourd’hui. Tout a été fait à la main. Par conséquent, les prix inimaginables aujourd’hui. Je me souviens avoir rencontré lors de mon premier journalisme à Prelle à Lyon un canon tissant un mètre par mois…
Corsage devant avec coutures et décousues.
Le parcours, au premier étage du musée, est plus ou moins thématique. Cela commence par des « phénomènes de mode ». Le visiteur traverse alors son « usine ». Il découvre les « fantaisies des artistes ». Tout se termine par l’histoire du « déshabillé déshabillé ». Un océan blanc en guise de final, et ici et là les premières étoffes imprimées ou matelassées de Provence. A la fois virginale et audacieuse, cette dernière partie, comme les autres, met en discussion les images peintes et les costumes qui survivent. De quoi discuter les effets satinés et ceux du drapé. Et bien sûr le rappel nécessaire des voix de l’époque. Distingué par Catherine II qui se voulait philosophe, Denis Diderot appréciait moins les cadeaux qu’elle recevait qu’il regrettait son ancienne robe de chambre. Une robe intérieure plus petite, tout en motifs tissés, par Vaucanson de Lyon…
« Le Glissant » de Colson. Nous sommes ici parmi des gens plus simples. Le blanc devient à la mode.
Musée des Beaux-Arts, Dijon 2022.
Les vêtements sont bien choisis, tant pour les hommes (les gilets brodés sont super) que pour les femmes. Des démonstrations rappellent l’importance de la dentelle et des parements de corsage. Les gravures de mode montrent les extravagances que les premiers influenceurs ont subies à l’époque de Louis XVI. Les tables, en revanche, sont inégales. Mais c’est la règle du jeu : ils ne sont pas moins sur les murs en raison de leurs qualités intrinsèques que les matériaux représentés. On y trouve cependant quelques toiles importantes de Jean-François Colson de Dijon ou de Carle van Loo du Sud. Il n’y a plus de Vincent ou de Trinquesse que l’on soit heureux de voir ou de revoir. Alors quelle est la signification de ces conditions si certaines œuvres sont de véritables copies d’époque. Ou encore mieux ! La chose montre à sa manière la diffusion qui existait à l’époque de la mode en France. Fondée par une assemblée, l’exposition est en effet heureuse du pays, et il y avait beaucoup de mode à Venise, Londres ou même Berlin. Ce n’est que bon depuis Paris…
(1) Le Nattier, très vulnérable, n’a pas fait le déplacement depuis Versailles. Dijon montre une réplique.(2) Quand ils le peuvent ! A Genève, république très inégalitaire, les étoffes et les couleurs correspondaient aux classes sociales.(3) Outre sa fermeture de dernière minute, le Musée du Tissu est aujourd’hui restauré par Rudy Ricciotti. Alors la peur…
Pratique
« Dans la mode, L’art du paraître au XVIIIe siècle », Musée des Beaux-Arts, Place de la Sainte Chapelle, Dijon, jusqu’au 22 août. Tel. 00333 80 74 52 09, site www.musees.dijon.fr Ouvert tous les jours, sauf le mardi, de 10h à 18h. à 18h30 Entrée libre. Pas de réservation.
Etienne Dumont est né en 1948 et a étudié à Genève, ce qui ne lui a pas beaucoup profité. Latin, grec, correct. Avocat raté, il se lance dans le journalisme. Le plus souvent dans les sections culturelles, il travaille de mars 1974 à mai 2013 à la Tribune de Genève, commençant à parler de cinéma. Puis vinrent les beaux-arts et les livres. Sinon, comme vous pouvez le voir, il n’y a rien à signaler. Plus d’information
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