Exposition / Montpellier : Peter Lindbergh, le photographe qui a changé l’image de la femme dans la mode

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Devenir, une rétrospective consacrée au travail du photographe de mode Peter Lindbergh, se tiendra au Pavillon Populaire de Montpellier jusqu’au 25 septembre.

Par Cédric Nithard

Publié le 09/07/22 à 13:32

Sommaire

De la peinture à la photographie

De la peinture à la photographie

Jusqu’au 25 septembre, le Pavillon Populaire de Montpellier accueille une rétrospective, Devenir, consacrée à l’œuvre de Peter Lindbergh, qui a révolutionné la photographie de mode et l’image de la femme dans les années 1990 par son regard et sa démarche.

Né à Lezno, ville polonaise annexée par l’Allemagne en 1944, Peter Lindbergh passe son enfance à Duisbourg puis intègre l’Académie des arts de Berlin au début des années 1960. Fasciné par Vincent Van Gogh, il s’installe à Arles pendant un an avant de traverser l’Espagne et l’Afrique du Nord. A son retour, il étudie la peinture freestyle et découvre l’art conceptuel à travers Joseph Kosuth. (VIDÉO)

La naissance des « supermodels »

La naissance des « supermodels »

En 1971, Peter Lindbergh s’installe à Düsseldorf et, face au choc artistique et aux opportunités professionnelles, se tourne alors vers la photographie, d’abord comme assistant du photographe allemand Hans Lux, avant d’ouvrir son propre studio en 1973. Sa réputation grandit rapidement, ses collaborations, notamment avec le magazine Stern, le mettent en contact avec Helmut Newton, Guy Bourdin et Hans Feurer avant de s’installer à Paris en 1978.

En 1987, Peter Lindbergh a reçu un appel d’Alexander Liberman. Le directeur artistique de Condé Nast, ne comprenant pas pourquoi le photographe ne veut pas travailler pour le Vogue américain, lui donne finalement carte blanche. « Je voulais devenir une femme normale, très soignée, soi-disant ‘parfaite’ – obsédée par l’idée de s’intégrer, d’être acceptée par la société – à une femme plus complète, aventureuse, qui prend en charge et échappe au contrôle d’un homme. Une femme qui a quelque chose à dire », expliquait-elle à Artforum en mai 2016.

Quelques mois plus tard, la photographe réunissait Karen Alexander, Linda Evangelista, Tatjana Patitz et Christy Turlington sur la plage de Santa Monica, très peu maquillées et vêtues d’une simple chemise blanche. Grace Mirabella, la rédactrice en chef de Vogue America, refuse de publier la série, qui six mois plus tard est finalement sauvée par sa remplaçante, la papesse iconique de la mode, Anna Wintour. Dans la rétrospective On the Edge, Images from 100 Years of Vogue de Condé Nast, il l’a même qualifiée de « la plus importante de la décennie ».

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Une rétrospective pour montrer un artiste

Une rétrospective pour montrer un artiste

En 1989, Peter Lindbergh capture Naomi Campbell, Cindy Crawford, Linda Evangelista, Tatjana Patitz et Christy Turlington comme cinq amies dans les rues de New York. Cette couverture du Vogue britannique de janvier 1990 entre dans l’histoire. La même année, une autre série célèbre les esprits, cette fois pour Vogue Italie, où il met en scène Helena Christensen découvrant un petit Martien dans le désert. Désormais, elle a quitté la fonction de cintre dans laquelle le monde de la mode l’avait enfermée pour s’imposer désormais comme « supermodel ». Jusqu’à sa mort en 2019, Peter Lindbergh poursuit dans cette voie, faisant du mannequin une source d’inspiration pour toutes les femmes.

A travers cette rétrospective, le Pavillon Populaire démontre l’importance de Peter Lindbergh bien au-delà de la mode. « La prémisse de cette exposition est que Peter Lindbergh était avant tout un artiste. Sa formation de peintre et son intérêt pour l’art conceptuel transparaissent dans ses photographies », explique Tara Londi, commissaire de l’exposition : « Le concept de devenir, qui donne le titre à cette rétrospective, révèle le potentiel primal du sujet, visible notamment dans l’ambiguïté sexuelle de certains de ses modèles, et révèle une force invisible qui anime des personnes qui ne sont plus des modèles, mais des « supermodels », embrassant la complexité humaine et féminine contre la « terreur de la jeunesse et de la perfection ».

Une exposition spéciale pour Simon Brodbeck, le fils de l’artiste et responsable de la Fondation Peter Lindbergh : « Il ne dirigeait pas les choses, donc c’était un défi pour nous. Connaissant tout son travail, nous voulions faire quelque chose de fidèle, personnel et intime avec son travail. Il montre ce qui fait de lui ce qu’il est, qui il est, ce qui l’a inspiré et a fait de lui l’homme qu’il était.

Les petits espaces montrent ainsi son inspiration puisée dans le cinéma avec des réalisateurs comme Fritz Lang, Wim Wenders et David Lynch, ou son intérêt pour la danse, notamment à travers Pina Bausch, avec qui il se lie d’amitié. Où l’on voit aussi des photos de Peter Lindbergh en interaction avec d’autres monstres de la photographie comme Lewis Hine ou Dorothea Lange alors qu’il capture des instants de Jeanne Moreau ou de Catherine Deneuve.

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Libérer les femmes

Libérer les femmes

L’ouvrage central consacré à ces « supermodels » synthétise l’intention de Peter Lindbergh de montrer « la femme brute, sans artifice, les pionnières de notre temps », résume Simon Brodbeck.

Pour Gilles Mora, directeur du Pavillon Populaire, l’apport de Peter Lindbergh s’explique par « sa distance parfaite avec le monde de la mode, avec le monde de la sophistication et du snobisme, parfois insoutenablement particulier », auquel il ajoute « une passion pour les femmes, qui fait de la femme non pas un objet, mais un sujet, cet objet la transformant en sujet, c’est toute l’œuvre de Peter Lindbergh.

Gilles Mora, expert en photographie et grand témoin en la matière, conclut l’analyse : « Il y a quatre noms dans l’histoire de la photographie de mode : Richard Avedon, Irving Penn, Helmut Newton et Peter Lindbergh. J’ai connu tous les autres, leurs erreurs, arrogance, complaisance et talent, mais Peter Lindbergh est le seul, qui a décidé de travailler dans un milieu où les femmes étaient le support des vêtements pour changer cette approche de la femme dans sa nouvelle définition des « supermodels ». travail a ensuite marqué toutes les nouvelles générations de photographes de mode.

Métamorphoses en octobre

Outre ses photographies, les murs du Pavillon Populaire rappellent à juste titre l’intellectualisation de la démarche et du regard de Peter Lindbergh par citations. L’une d’elles témoigne de la volonté de faire passer le message : « La responsabilité des photographes d’aujourd’hui doit être de libérer les femmes, et en un mot tout le monde, de l’obsession de la jeunesse et de la perfection. ». Même si la tendance porno-chic des années 2000, portée à l’époque par Carine Roitfield du Vogue de Paris, écorchait quelque peu l’image de la femme, l’héritage de Peter Lindebergh est loin d’être une lubie. …

La dernière exposition de la saison au Pavillon Populaire sera présentée en octobre. Intitulé Métamorphoses, 1968-1980, il est consacré aux années qui ont changé la photographie en France. L’historien de la photographie Michel Poivert se voit confier le commissariat de l’exposition.

Obtenir. Peter Lindbergh, jusqu’au 25 septembre. Pavillon Populaire, Esplanade Charles-de-Gaulle, Montpellier. ENTRÉE LIBRE. du mardi au dimanche de 11h à 13h et de 14h à 19h. Visites guidées gratuites sans réservation. Renseignements au 04 67 66 13 46 ou montpellier.fr.