A l’invitation de la communauté d’agglomération de Clisson Sèvre et Maine, le fondateur du Hellfest est revenu sur son incroyable parcours. Même quelques confidences.
A l’heure du petit déjeuner, une cinquantaine d’entrepreneurs sont venus écouter le créateur du plus grand festival de musique extrême, invité par la communauté urbaine. Bombardés de questions, les Clissonnais n’en ont pas esquivé une seule.
Sommaire
Le déclic.
« Probablement un cadeau de mon oncle. J’avais 11 ans. C’était un album live d’AC/DC. Pour Noël. Je ne sais pas pourquoi il me l’a donné. Quoi qu’il en soit, ce CD m’a marqué. Je m’en souviens encore. Au début, ça m’a donné envie d’être musicien. Mais quand on n’a pas de don, c’est compliqué (rires). J’ai donc très vite évolué du côté de l’organisation pour continuer à travailler pour ce milieu. Je suis entré dans le jeu dès que j’ai pu. En organisant des concerts avec des amis. Ça m’a plus plu que l’étude du vin (ed. BTS vins et spiritueux au lycée Charles-Péguy dans les Gorges) ».
La persévérance.
« L’une des clés de la réussite de cette aventure, c’est que tu as reçu des grosses claques très rapidement. De cette façon, nous savons ce qu’il ne faut pas faire, ou quoi de plus, nous ne devons pas faire. Je veux dire l’édition 2007 qui a été un calvaire (ndlr. inondation, problèmes techniques, annulation de la tête d’affiche…) et même la dernière édition du Furyfest au Mans (attention l’organisme dans lequel il était salarié est resté dans la caisse. ..) . Tous ces échecs signifient tellement. Il faut oser. Et continuez à y croire. Ces nombreux défauts ont sans doute été compensés par le bien, sinon nous n’en serions pas là. Mais à ce moment-là, nous ne voulons pas que quiconque en fasse l’expérience.
L’entourage.
« J’ai eu la chance d’être toujours très bien entouré dès le début de l’aventure. Sauf peut-être au Furyfest (rires). Que vous avez rencontré les bonnes personnes au bon moment. C’est très important et je le mesure aujourd’hui. Certains sont tout aussi créatifs que moi et tout aussi intelligents, mais ont probablement eu moins de chance dans leur entrepreneuriat. Seul exemple, mais pas le seul, Jean-Michel Busson qui était député à la ville de Clisson (ndlr. décédé en 2019). Il est l’un des rares à m’avoir soutenu, car en 2006 il n’y avait pas grand monde qui voulait ce genre de festival ici. Ce n’était probablement pas un hasard, il était mon manager de football quand j’étais enfant. Sans lui, il n’y aurait probablement pas de festival à Clisson. Et le faire dans un autre endroit serait complexe. Cet entourage compte aujourd’hui 22 salariés, dont la plupart ont débuté en tant que stagiaires, et qui, chacun à leur manière, ont apporté une valeur ajoutée au festival. Ils sont plus que des collègues, ils sont devenus des amis. Ils fonctionnent avec une grande autonomie. Nous n’avons pas d’heures de travail. Et puis je pourrais ajouter une centaine d’intermittents (un millier pendant le festival) et 5 000 bénévoles qui vivent pour la plupart sur le territoire : l’aventure humaine du festival, c’est ce dont je suis le plus fier. »
L’associatif.
« Nous avons décidé de rester sous statut associatif. D’abord parce que c’est plus simple qu’une société commerciale. Et surtout, quand j’ai commencé avec Yohan Le Nevé, il n’y avait aucune ambition professionnelle. Nous n’avons jamais pensé que ce serait notre travail. Mes parents non plus, mais je les remercie, car ils m’ont toujours laissé faire. Nous voulions avant tout atteindre l’objectif que nous nous étions fixé : organiser un festival et satisfaire les gens. Le succès est le résultat de notre travail. Cela nous a obligés à passer à la dimension commerciale. Mais au début j’ai commencé alors que je n’avais que le chômage et quelque chose en plus (ndlr 1000€ par mois), car j’avais enregistré la marque Hellfest à mon nom, que l’association louait. Enfin, le statut associatif permet d’investir massivement dans le lieu au lieu de verser des dividendes. De plus, nos salaires n’ont pas doublé car nous avons réalisé une double édition en 2022 ».
L’entrepreneuriat.
« J’ai plus un côté créatif qu’un entrepreneur. Mais petit à petit je me suis mis dans la peau du capitaine. Qui devrait assumer la responsabilité. Qui commence la vie de ses employés avec ses choix. Et qui gère ce qui est devenu le plus important événement de musique extrême au monde. Alors oui, j’ai encore plein d’idées en tête pour le festival. C’est ce qui me nourrit. Mais je les partage davantage – avant d’être seul dans ma tête – pour prendre les bonnes décisions et ne pas être un tyran. J’envoie des comptes rendus de réunion, je fais des dossiers… Avant c’était un peu le bazar. J’écoute aussi les nombreuses demandes que nous recevons, mais je mets tout ça en attente, car je n’ai plus 25 ans ».
La vie personnelle.
« Il y a probablement beaucoup de fantasmes sur ma vie. Certains pourraient imaginer Ben Barbaud passer ses vacances au bord de la piscine à Los Angeles, avec les stars ; mais je vais les décevoir, j’ai une vie de famille tranquille, assez classique. Après, je ne cache pas qu’on me demande souvent quand j’entre à Clisson. Ça fait partie du jeu, je me prête aux selfies, même à Leclerc… Mais la vérité c’est que ça peut être un peu inconfortable et on a envie de dire « laisse-moi tranquille ».
La relaxation.
« Face aux exigences et à une certaine pression, il est important de recharger les batteries. Chaque matin, c’est une demi-heure de relaxation et de méditation après le café. Je m’y tiens. Cela m’aide à prendre les bonnes décisions et à éviter de dire des bêtises. Pour trouver un peu de paix. Je peux même dire que la crise sanitaire, même si elle a été difficile mentalement et même financièrement (ndlr 2,5 millions de pertes), s’est même avérée utile en termes de détente. Cela m’a permis de me recentrer. J’ai aussi coupé tous mes réseaux sociaux, ça fait du bien. Je n’en ai plus. Tout le monde devrait faire pareil (rires). Si vous voulez parler à quelqu’un, il vaut mieux prendre un verre au bar, je pense. C’est comme critiquer les festivaliers, je les ai sans doute trop pris à cœur. Maintenant on me donne des fiches sur les points à améliorer. C’est plus indirect.
L’avenir.
« Nous n’en ferons pas plus, plus, plus… Ce n’est pas notre objectif. Tout comme reproduire le Hellfest dans d’autres pays. L’Allemagne, le Canada, les États-Unis… on nous a déjà demandé. Mais nous ne sommes pas sûrs que cela fonctionnerait, car il n’y a pas d’aspect territorial avec les bénévoles. Ce qui nous intéresse, c’est d’avoir une présence territoriale. Comme avec Island Machines. Nous espérons que ce projet verra bientôt le jour. Cela correspond mieux à notre image. Nous restituons le territoire, avec un projet touristique. Quant à l’après, je suis sûr que j’arrêterai un jour. Quand? Je ne sais pas. Pas immédiatement. J’ai 41 ans. Que dois-je faire? Ce serait définitivement pour l’entrepreneuriat, ça me comble. Je ne me vois pas élever des chèvres dans le Larzac ».
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