Le message se répandit partout pendant dix jours. « Avant d’aller aux urgences, si mon médecin n’est pas disponible j’appelle le 15 », invite-t-il la campagne de communication lancée fin juillet par le ministère de la Santé. Alors que les urgences hospitalières traversent un été particulièrement critique en raison du manque de personnel soignant, l’objectif est de les préserver de la saturation en sensibilisant la population aux « vraies urgences », mais aussi en renforçant la régulation par les centres 15.
Mesure phare de la « mission flash » menée par François Braun avant d’être nommé ministre de la Santé, cette systématisation du dépistage des patients, activée majoritairement la nuit, touche désormais 67 hôpitaux du territoire, selon une enquête du Samu-Urgences de France. – soit 20% des usines interrogées par le syndicat.
Un impact sur le nombre de passages aux urgences
Au centre hospitalier de Mâcon (Saône-et-Loire), le dispositif est testé depuis le 25 juillet, pour l’heure de 18h00 à minuit. Créneau horaire stratégique, le début de soirée marque généralement un pic d’activité.
« Il est trop tôt pour faire un bilan, mais globalement il y a eu une baisse du nombre de pas ces dix derniers jours, constate le Dr Alexis Girard, adjoint au chef des urgences. En quelques jours, nous sommes passés sous le seuil des 100 visites quotidiennes, contre environ 130 habituellement », précise le médecin, pour qui cette baisse se traduit par une meilleure qualité des soins. D’autant que les armes manquent cruellement : à son service, environ un tiers des postes médicaux sont vacants, et les effectifs sont encore tronqués l’été.
Au CHU de Bordeaux, où ce dispositif a été mis en place fin mai, le responsable des urgences, Philippe Revel, dresse lui aussi un bilan plutôt positif. « Il n’y a plus de files d’attente impossibles, les conditions de travail du personnel se sont améliorées et, à ma connaissance, il n’y a pas eu d’opportunités perdues pour les patients », résumait-il à La Croix en juillet.
Des centres 15 débordés par les appels
Pour accueillir les personnes encore en déplacement, l’établissement bordelais a choisi de faire appel à des volontaires de la protection civile, postés devant l’hôpital. Mais de plus en plus souvent, comme à Montauban (Tarn-et-Garonne), c’est devant les interphones reliés au 15 que se retrouvent les malades. Conséquence logique de ce report, les centres d’accueil et de contrôle des appels sont souvent débordés. Selon le Samu-Urgges de France, leur activité a augmenté de 21% par rapport à la même période en 2021. A Montauban, la hausse est estimée à 50%.
A Mâcon en revanche, la mesure n’a pas entraîné de surcharge pour le centre 15, basé à Chalon-sur-Saône. « Les appels ont augmenté, mais comme toujours entre le 15 juillet et le 15 août », nous dit-on. Une tendance qui ne reflète pas la réalité au niveau national, selon Yann Rouet, co-président de l’Association française des assistants médicaux réglementaires, les agents chargés de recevoir et d’acheminer les appels passés au 15. « La recommandation de composer le 15 a un impact évident sur notre activité, alors que nous sommes constamment en effectif », déplore ce professionnel, pour qui « les préconisations du ministère n’ont fait que renvoyer le problème de l’urgence au Samu, lui aussi en sous-effectif ».
C’est une des raisons pour lesquelles ce dispositif n’a pas été adopté au CHU de Toulouse. « Cela aurait ajouté une centaine d’appels à 15 en plus des 1.000 que nous recevons déjà chaque jour, sachant que la réglementation classique nous permet de réduire les démarches aux urgences de 10 à 15%, explique le Pr Vincent Bounes, responsable du Samu de Haute Garonne. Cela aurait signifié aussi pouvoir proposer des solutions alternatives aux patients. Pourtant, de nombreux médecins généralistes sont partis en vacances sans pouvoir trouver de remplaçant. «
Mais pour lui c’est avant tout une question de principe. « Je fais partie de ces gens qui pensent qu’on ne va pas aux urgences par plaisir. Certains ont essayé en vain de joindre leur médecin, d’autres ont parcouru des kilomètres pour venir jusqu’à nous. Leur cas n’est peut-être pas une urgence vitale, mais c’est une urgence sincère. «
Un mois de juillet surchargé
Dans son enquête publiée le 3 août et réalisée auprès de 331 services d’urgence (soit la moitié de ceux existant sur le territoire), le syndicat Samu-Urgences de France estime que l’activité de ces structures a augmenté en moyenne de 12 % au mois de juillet. . Cela représente 180 000 pas de plus qu’en 2021 sur la même période.
Pour faire face au manque de personnel, 88 établissements ont mis en place des restrictions d’accès, dont 67 avec une régulation médicale systématique par le Samu-Centre 15. Quarante-deux établissements ont dû recourir à des fermetures nocturnes totales.
Face à cette hausse d’activité inattendue, « 83% des Samu express se retrouvent dans une situation difficile dans l’exercice de leurs structures en raison d’un manque de personnel », ajoute le syndicat.