RapportCeux qui n’ont pas quitté la capitale ukrainienne parviennent à continuer à vivre avec les coupures d’électricité que la Russie utilise comme arme de guerre.
D’où vient ce caquetage quand Mykola Fechtchouk tourne la clé dans sa serrure ? Du fond de son appartement, au sixième étage d’un immeuble d’Irpine. C’est la lueur de sa lampe frontale qui révèle la gêne de cet homme, au moment d’ouvrir la portière de son trois-pièces, en anorak et chapeau noir. « Vous m’excuserez, j’ai pris des poules cet été, ça permet d’avoir des œufs. En ce début d’hiver, la ville, qui a poussé comme un champignon dans les dernières années de l’Union soviétique avant de devenir une agréable banlieue de Kyiv, puis, neuf il y a quelques mois, le symbole du terrible bombardement de l’armée russe et de son retrait précipité, est affecté par le froid et l’obscurité.La lumière ne brille que quelques heures par jour – « trente minutes » ce jeudi 1er décembre, calcule la quarantaine .
Mykola Fechtchouk vit dans l’un des immeubles ciblés par les raids aériens en mars. Quatre trous, tous les carreaux cassés. Blessé par un éclat d’obus, il était tombé dans la boue et s’était enfui « comme un rat » en sécurité en Pologne pour sa femme et sa fille. En son absence, malgré les vitres soufflées, les Russes occupent les neuf étages de son bar d’immeuble. Sauf son appartement : ce serrurier de métier s’était fabriqué la plus belle porte du monde, « 350 kg de blindage », s’amuse-t-il. Il l’a réinvestie au printemps, y a passé l’été. Rien n’a été réparé, sauf qu’il neige abondamment, qu’il fait noir à 16 heures, qu’il gèle et qu’en raison des récentes frappes aériennes sur les réseaux d’eau et d’électricité du pays, il fait tout noir. Encore une nouvelle déco.
Un habitant sur cinq a déjà quitté Kyiv et sa périphérie. Environ 80% des exilés ont entre 18 et 35 ans, comme la fille et l’épouse de Mykola, toujours réfugiées dans un village polonais. Il est resté en Ukraine, comme les hommes de son âge, mais sans argent, sans voiture, sans travail, car « les habitants ont quitté la ville ». A peine si, de temps en temps, il aide les insouciants bloqués dans l’ascenseur par une coupure de courant.
Le reste de sa vie se partage entre faire rôtir des cigarettes dans la cour du domaine, discuter avec ce qui reste du quartier, et se rendre au supermarché, rouvert grâce à un groupe électrogène. Les générateurs ! En Ukraine, particuliers ou entreprises, chacun veut aujourd’hui le sien. Mais les prix grimpent (25 000 hryvnias, soit environ 600 euros, le double de 2021), car les pénuries se profilent : les gens se cotisent pour les trouver à la volée, en Pologne. Sur les pages Facebook, en démonstration, des briques chauffent sur des réchauds à gaz.
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