Pionnier de l’alimentation durable et locale, le légendaire chef américain partage ses conseils et ses secrets de jardin en exclusivité avec nous.
« Planter une graine, c’est tout ! » gazouille Alice Waters lorsqu’on lui demande ses conseils. Si la réponse se veut espiègle, la chef américaine n’ironise pas : que ce soit en cuisine ou au jardin, la simplicité est au cœur de sa démarche. Encore trop méconnue de ce côté-ci de l’Atlantique, Alice Waters est pourtant une francophile avertie dont le combat a débuté à la fin des années 1960, en découvrant les bons produits sur les marchés et dans les restaurants du Quartier Latin. à la Sorbonne, elle rentre aux États-Unis avec une passion pour Pagnol, mais surtout l’envie de redécouvrir les saveurs qui l’ont marquée en France, comme la « vraie » salade, le pain ou les variétés de pêches full-on hippy, elle apprend à cuisiner, devient enseignante Montessori, et ouvre en 1971 Chez Panisse, son restaurant à Berkeley, incontournable du paysage gastronomique américain.Son idée : se procurer les meilleurs produits bio de sa région, la Californie, et les cuisiner dans le respect. Bien avant que les mots « locavore » ou « saisonnier » ne soient en vogue, elle s’est intéressée aux cultures maraîchères avec son jardinier de toujours, Bob Cannard. Dans l’Amérique agro-industrielle des années 1970, son bon sens nourricier apparaît comme une utopie. Mais le mouvement Slow Food entame une révolution tranquille qui change la vie. Consciente de l’importance de redonner, elle fonde en 1995 The Edible Schoolyard pour initier des potagers dans les écoles, les prisons… et même à la Maison Blanche, avec l’aide de Michelle Barack Obama. Depuis 2019, le projet a aussi une version française : initiée par la journaliste et écrivaine Camille Labro, L’École Comestible propose des cours d’enseignement de la terre à l’assiette dans les écoles. Alice Waters a toujours connu elle-même les légumes de votre bocal : « Mes parents avaient un ‘jardin de la victoire’, c’est-à-dire le potager que chaque famille américaine était encouragée à cultiver pendant la Seconde Guerre mondiale, explique-t-elle. Entretien d’une cuisine nhave nous enseigne toutes les valeurs dont nous avons besoin pour vivre ensemble sur cette planète. Cela nous rend patients, curieux, impatients et conscients des saisons. » Convaincus ? Tant mieux : à l’occasion de la parution de son livre « L’Art de la Cuisine Simple II » (éd. Actes Sud/Keribus Éditions), Alice Waters nous livre ses meilleurs conseils pour démarrer notre petite culture… avec ce que nous avons dans notre cuisine !
RIEN NE SE PERD
Le compostage de vos déchets est excellent pour l’environnement. Vous pouvez aussi faire du « compost de guérilla » et le jeter n’importe où au pied des arbres dans la rue ou dans le parc. Recette? Alternez les couches d’azote et de carbone, en les empilant comme des lasagnes. Nous commençons avec 10 cm de matériaux riches en carbone comme de la paille ou des tontes de gazon sèches, que nous humidifions. Puis une couche de 5 cm de matières riches en azote comme les écorces ou le marc de café (toujours bio). Enfin, on recommence avec 10 cm de matériaux carbonés. Conservez également les coquilles d’huîtres : broyées, elles apportent du calcium au sol et font un excellent engrais.
LE CONSEIL D’ALICE « Évitez d’inclure de la viande ou des produits laitiers, qui peuvent attirer les nuisibles. Bien entretenu, le compost ne sent pas mauvais et certaines plantes se mettent même à germer spontanément. C’est le cas des tomates, melons, courgettes ou tomatilles, que l’on peut laisser pousser. »
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REPLANTER LES INDISPENSABLES
La technique de la « repousse » consiste à faire repousser les plantes… d’elles-mêmes. Comme il est bon de savoir que chaque gousse d’ail peut donner plus !
Plants d’oignons Les gousses d’ail, les échalotes ou les oignons (pas nécessairement germés) doivent être plantés avec la pointe vers le haut. Coupez les fleurs pour préserver la saveur. Lorsque les feuilles des plantes jaunissent, il est temps de récolter.
Herbes La menthe, le basilic ou la coriandre se coupent très bien. Placer env. Tiges de 15 cm dans l’eau. Quand ils prennent racine, plantez-les dans le sol.
Tubercule Prenez un morceau de tubercule et suspendez-le dans de l’eau avec des cure-dents (comme un noyau d’avocat), la face coupée dans l’eau. Une fois qu’il a germé, il est prêt à être enterré. Les plants de topinambour du marché peuvent être utilisés. Mettez-les en terre au printemps et coupez la plante après la floraison. Si on ne les récolte pas avant les beaux jours, ils se multiplient. Retirez les repousses inattendues.
LE CONSEIL D’ALICE « Commencez petit, par exemple avec un carré d’herbes aromatiques. C’est le meilleur moyen de tester ce qui fonctionne avant de se lancer dans une croissance plus ambitieuse. »
Certains légumes ou légumineuses contiennent plus de graines qu’un paquet acheté en magasin et peuvent être semés de nouveau.
Tomates Récoltez les pépins des fruits très mûrs mais pas pourris. Sortez-les et laissez-les sécher complètement. Ou nous les immergeons dans l’eau pendant quelques jours pour enlever la boue. Filtrez, rincez et étalez les graines sur une assiette pour les faire sécher.
Courges, courgettes ou melons Sur des légumes très mûrs, épépinez, rincez et essuyez.
Petits pois, haricots Les cosses doivent être bien sèches et croquantes. Grattez puis laissez sécher.
CONSEIL D’ALICE « Conservez les graines dans du verre. Notez le nom de la plante et la date de mise en pot. Les graines doivent être bien sèches pour ne pas pourrir et peuvent se conserver environ trois ans. »