Jólabókaflóð, logom et allemannsretten… Derrière ces termes, des concepts et des traditions méconnus pour promouvoir une sobriété heureuse.
A l’heure où l’on se demande comment créer « le monde d’après », peut-être pouvons-nous puiser chez nos voisins européens quelques notions et pratiques inspirantes.
Le allemannsretten norvégien : le droit d’accès à la nature
Montagnes brumeuses, fjords et cascades cristallines… Face à la beauté de la nature, la Norvège a formulé une idée conforme à la tradition du pays : les allemannsretten. Le principe est simple : « chacun a le droit de profiter de la nature » (sous certaines conditions). Les allemannsretten doivent pouvoir s’exercer malgré le droit de propriété et sans l’accord préalable du propriétaire concerné (sauf si le séjour dépasse deux nuits). Ainsi, la Norvège favorise l’accès à ses espaces naturels quasiment sans restriction… Seule consigne : ne laisser aucune trace de son passage et rester à 150 mètres de l’habitation lors du montage de sa tente. Les allemannsretten concernent donc la plupart des marais, forêts, landes, rivières, lacs, rivages et montagnes.
Au 21e siècle, l’allemansrätt a notamment servi de cadre juridique aux amateurs de randonnées et d’écotourisme pour développer ces activités. Ainsi, il est désormais possible en Norvège, où l’on compte plus de 1 000 campings, de se promener presque partout. A noter qu’on parle aussi d’allemansrätten en Suède, de jokamiehenoikeus en Finlande, d’almannaréttr en Islande, ou encore d’igaüheögiks en Estonie. Depuis 1957 en Norvège, les allemannsretten sont inscrits dans la loi régissant les loisirs de plein air. Ce droit concerne les espaces naturels classés « terres non clôturées », c’est-à-dire non cultivées.
Le jólabókaflóð islandais : lecture sous le sapin
Jólabókaflóð se traduit littéralement par « Déluge de livres de Noël ». Il fait référence à l’arrivée de nouveaux livres publiés en novembre puis souvent proposés le soir de la Saint-Sylvestre le 24 décembre. Avant les vacances, les Islandais reçoivent un catalogue intitulé « Bokatidindi » édité par l’association des éditeurs islandais Jolabokaflod CIC. Celle-ci cartographie toutes les nouveautés afin que chacun puisse faire ses courses et acheter des livres pour se préparer au long et rigoureux hiver qui s’annonce. Chez les Islandais qui aiment Noël, il n’est pas rare de passer la soirée du 24 plongé entre les pages d’un livre. En résumé, nous dégustons un copieux dîner (bouillie, saumon et perdrix, pommes au caramel) avant de nous retrouver en famille près du poêle avec un livre. En Islande, Noël rime avec sobriété, loin de déballer des cadeaux high-tech ou des produits de luxe.
Pour comprendre les origines de la pratique, il faut remonter à 1944. L’Islande a obtenu son indépendance du Danemark et a souffert économiquement. Pour éviter de s’endetter, le pays a suspendu l’importation de nombreux biens de consommation. Dans tous les cas, le papier reste très bon marché, ce qui contribue à l’essor du secteur de l’édition. Les livres deviennent un cadeau peu coûteux à offrir aux enfants pendant les vacances. Année après année, la tradition du jólabókaflóð nourrit fortement l’amour des Islandais pour les livres. Aujourd’hui en Islande, sept personnes sur dix offrent des livres à leurs proches pour les vacances. La moitié des Islandais lisent plus de 8 livres par an, un record battu uniquement par les Suédois et les Finlandais, et 1 Islandais sur 10 a déjà publié un livre…
Lagom à la suédoise : ni trop peu, ni pas assez
Adverbe suédois supposé intraduisible, lagom résume une notion à mi-chemin entre la philosophie et l’art de vivre. Selon le contexte, il peut être traduit par « moyen », « suffisant », « optimal », « ni trop peu ni pas assez » (pour une quantité par exemple) ou encore « aussi digne ». Le terme suédois pourrait bien l’être. le mantra de la slow life américaine telle qu’elle s’applique à tous les aspects de la vie quotidienne. Une idée passe par l’adverbe lagom : le fait de vivre plus lentement et pleinement, au rythme des saisons et de la nature sans diminuer ses ressources. Bref, une sorte de minimalisme confortable, qui inclut consommation d’occasion, alimentation locale et respect de l’environnement.
Le lagom suédois est un peu le cousin du hygge danois, une déclinaison du vieux norrois pour signifier « bien-être » à l’époque. Hygge décrit un moment cosy, chaleureux et confortable qui se déroule généralement à la maison, tandis que Lagom définit plus généralement un mode de vie. Dans les deux cas, l’idée est de se recentrer sur l’essentiel.