A quelques jours de sa clôture, l’année 2022 montre une nouvelle dégradation des conditions d’emprunt. Certaines banques ont augmenté leurs barèmes, ce qui rend encore plus difficile l’accès aux prêts, alors que le taux d’intérêt reste en vigueur jusqu’au 31 décembre. Certains ont complètement cessé de prêter, peut-être réduits par les effets de la loi Lemoine, tandis que d’autres ont renoncé aux courtiers. L’apparition du « déjà vu » qui pénalise toute la profession, au détriment, là encore, des intérêts des emprunteurs.
Sommaire
Accès au crédit immobilier bloqué
Les changements du contexte monétaire obligent généralement les banques à augmenter les taux d’intérêt offerts à la population emprunteuse. Entre l’inflation, la hausse des rendements des OAT 10 ans et la hausse du taux de refinancement de la Banque centrale européenne, les banques de détail devraient logiquement ajuster leurs barèmes en fonction de l’évolution du contexte monétaire.
En pratique, peu d’établissements décident d’appliquer une majoration tarifaire. Ceux qui le font s’engagent à réduire davantage la marge sur l’hypothèque qu’ils avaient jusque-là. L’augmentation observée s’élève à 20 points de base, soit un dépassement de la borne supérieure de 2 % sur toutes les durées. En l’espace d’un an, les tarifs ont plus que doublé, et oscillent désormais entre :
J’oublie l’époque où emprunter à 1% était courant (moins l’assurance emprunteur et les frais de garantie). En janvier 2022, les taux ont continué d’augmenter, atteignant leur plus haut niveau en 7 ans. Le bras de fer de la guerre en Ukraine a accéléré le mouvement, et les valeurs ont franchi la barre symbolique des 2 % à la fin de l’été. Les observateurs prévoient que les taux seront bientôt au-dessus de 3%, avec un plateau de stabilisation autour de 3,5% au printemps 2023, à condition que les efforts de contrôle de l’inflation se matérialisent.
Cette baisse des taux d’intérêt n’est pas la politique de toutes les banques. Ils sont limités par le taux d’usure, taux maximum légal fixé par la Banque de France pour le trimestre en cours, ce qui limite leur capacité à fixer les taux d’intérêt en fonction des coûts de financement. Du coup, certains décident de stopper purement et simplement l’accès au crédit immobilier, préférant renoncer à ce produit d’appel qui n’est alors plus rentable et attendre que l’écart entre les taux débiteurs et les taux d’intérêt soit le nouveau « décent ».
Attention à la loi Lemoine
D’autant que l’entrée en vigueur de la loi Lemoine au 1er juin 2022 modifie les perspectives financières des bancassureurs. Grâce à des taux bas, l’assurance de crédit immobilier est devenue la seule source significative d’indemnisation des banques, qui dégagent des marges allant jusqu’à 70% sur ce produit imposé à l’emprunteur.
En autorisant les emprunteurs à changer d’assurance de prêt à tout moment, dès le lendemain de la signature de l’offre de prêt, la loi Lemoine supprime la rente de longue durée aux banques. Le boom du changement d’assurance de prêt immobilier à partir du 1er septembre 2022 est la preuve que les Français sont plus que jamais soucieux de préserver leur pouvoir d’achat.
Production de crédits immobiliers en forte baisse
La régulation de l’usure a révélé ses dysfonctionnements en 2022, privant l’accès au crédit aux ménages malgré des taux d’emprunt à un niveau encore adapté à l’achat immobilier. En vigueur depuis un trimestre, les taux d’intérêt ont montré une totale inadaptabilité à la réalité du terrain, provoquant à chaque hausse des taux d’intérêt un effet de ciseau qui exclut environ la moitié des demandeurs de crédit, même ceux qui sont parfaitement solvables.
La production de crédits immobiliers a été affectée. Selon l’observatoire Crédit Logement/CSA, il a baissé de plus de 36% entre septembre et novembre 2022 par rapport à la même période en 2021. La Banque de France, de son côté, confirme que la baisse n’est que de 25%, ce qui reste un chiffre inquiétant, mais l’institution s’en tient à ses armes, rejetant pour l’instant toute réforme de l’usure en 2023 et préférant miser sur la normalisation de la situation.
Courtier, une profession en péril
Les premières victimes sont l’endettement des ménages. Des réglementations obsolètes sur les taux d’intérêt leur refusent l’accès aux crédits immobiliers, les forçant à attendre 2023 pour emprunter, à des taux qui augmenteront entre-temps. Aujourd’hui, une vente sur dix échoue en raison d’un refus de prêt au motif que le TAEG est supérieur aux dépenses.
Les courtiers sont également touchés par cet environnement défavorable. Leur activité a été pénalisée par une baisse des demandes de crédit immobilier (-20% en un an), une baisse du nombre d’affaires conclues et la fin des partenariats avec les banques, certains choisissant d’aller directement chez les emprunteurs. La demande est en baisse depuis juillet 2022, la hausse des taux combinée à l’attrition ayant provoqué un attentisme légitime chez les particuliers. La bouffée d’air frais offerte par les nouveaux taux d’intérêt à partir du 1er octobre 2022 a été rapidement étouffée par la hausse des taux d’intérêt, fermant l’accès au financement bancaire.
La période est difficile pour les intermédiaires de crédit, qui ne cessent d’alerter les pouvoirs publics sur le problème de l’usure. Après leur combat avec les autorités financières sur ce sujet, qui s’est notamment illustré par les manifestations devant la Banque de France, voici leur demande de mise en place d’un accord de branche sur le chômage partiel qui a été rejetée par le ministère du Travail. L’exécutif a cependant reconnu les difficultés économiques de bloquer l’attrition. Certaines agences de courtage ont déjà cessé de fonctionner.