Se réchauffer avec du marc de café ou du fumier de cheval semble être une idée enfumée, mais c’est tout sauf ridicule. Des femmes inventives ont imaginé des moyens de fabriquer des bûches combustibles à haut pouvoir calorifique à partir de ces déchets.
A la recherche d’une idée de reconversion professionnelle, Valérie Grammont, la quarantaine, constate que le marché du bois et du recyclage est en plein essor. Elle pense à transformer les déchets en carburant. Le papier est déjà bien recyclé en Europe et la paille produit trop de cendres et de mâchefer lors de sa combustion, ce qui la rend impropre à une utilisation dans les appareils de chauffage domestique. En visite chez sa grand-mère, Valérie la voit utiliser du marc de café pour raviver son feu. Elle tient sa trouvaille.
En moyenne, un Français boit deux à trois tasses de Petit Noir par jour, et en Europe les fabricants doivent recycler leurs capsules usagées. L’entrepreneur pense donc qu’elle devrait pouvoir trouver facilement la matière première pour produire son carburant. Après trois ans de recherche et développement, elle a mis au point son protocole compact, qu’elle baptise Smart & Vert.
Ce carburant est composé du marc de café de 150 cafés et d’huile végétale comme liant et est allumé directement avec un briquet. Pas d’odeur de café, mais de belles flammes pendant deux heures et une chaleur équivalente à quatre bûches. Autre avantage : il n’y a quasiment pas de cendre. A peine breveté, le Smart & Green a remporté la médaille d’or au concours Lépine 2014. Depuis, des allume-feu et des allume-feu « bio », qui ne dégagent pas de mauvaises odeurs, complètent la gamme vendue dans les stations-service, les grandes surfaces et les jardineries.
Equibûches, en France …
Le fumier de cheval comme combustible pour votre poêle ? L’idée peut sembler absurde, et pourtant l’homme a toujours utilisé des excréments d’animaux séchés pour cuisiner ou se chauffer.
Les centres équestres français comptent 950 000 chevaux. Beaucoup appartiennent à des écuries réputées qui prennent grand soin de leurs pensionnaires et les paillent avec des matériaux de qualité : des copeaux de résineux. Cette litière se renouvelle si vite que le bois n’a pas le temps de pourrir. Et le fumier présent en petite quantité est une biomasse ligneuse relativement peu dégradée.
Comment valoriser ces déchets disponibles en grande quantité mais difficilement compostables et peu utilisés comme engrais en agriculture ? Agnès Korn, cavalière travailleuse et passionnée, une autre Française, s’est posé cette question. Elle envisageait de l’utiliser comme matière première pour fabriquer des bûches combustibles pour les poêles à bois et les inserts. Une fois sèche, cette litière est une excellente source de chaleur. Agnès multiplie alors les rencontres avec les industriels pour affiner son projet. Jusqu’à la mise au point d’une technique de compactage de la litière en bûches compactées, le fumier de cheval servait de liant pour agglomérer les copeaux. Grâce au séchage, les mauvaises odeurs sont éliminées. Début 2012, elle fonde la société et la marque Equibûches. Ses produits revendiquent un pouvoir calorifique quatre fois supérieur à celui du bois et deux fois plus de temps de combustion pour alimenter cheminées, poêles, inserts, poêles et chaudières à usage particulier mais aussi industriel et communal.
Son concept est basé sur un circuit court : « On récupère gratuitement le fumier dans la grange et la production des fosses doit alors se faire à proximité », précise l’entrepreneur.
… et en Belgique, Equiwood
La même idée est utilisée ailleurs, notamment en Belgique, où deux jeunes entrepreneurs, Dany De Bolle et Stéphane Licata, ont fondé Equiwood, qui commercialise également des grumes compactées à base de litière pour chevaux. « La Belgique est le pays qui compte le plus de chevaux au kilomètre carré », nous dit Dany De Bolle. Au total, 7 000 tonnes de déchets sont valorisées par Equiwood. La capacité du système permet de produire une palette de 540 bûches à l’heure, « une quantité suffisante pour assurer le chauffage d’appoint d’un foyer pendant tout un hiver », se réjouit Danny De Bolle.
Les besoins en chaleur pour le processus de fabrication et le séchage sont entièrement couverts par une chaudière à biomasse d’une puissance de 1000 kW, qui est également alimentée par de la litière pour chevaux.
Les grumes Equiwood sont vendues chez environ 90 revendeurs en Belgique et au Luxembourg. Pour renforcer le côté écologique du projet, ils sont fournis dans des sacs en papier qui peuvent être utilisés pour démarrer le feu.
Une norme internationale, ISO 17 225-7, précise les critères auxquels doivent répondre les briquettes contenant plus que du bois. Les analyses effectuées par le laboratoire SOCOR sur le matériau utilisé par Equiwood ont montré qu’il répond à toutes les normes définies par la norme. En particulier, la très faible teneur en humidité (10 à 12%) associée à la haute densité garantit une excellente qualité de combustion. Selon nos jeunes entrepreneurs, un mètre cube de leurs bûches a le même pouvoir calorifique que 4 à 5 mètres cubes de bois. Une seule bûche brûle pendant 1h30 et, grâce aux braises, maintient la température du foyer pendant encore 4 à 5 heures.
Danny De Bolle de l’entreprise belge Equiwood : « Une palette de bûches suffit à garantir un chauffage d’appoint domestique pendant tout un hiver »