Mélanie Laurent dans Tempête : « Je suis une femme et une artiste…

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Written By MilleniumRc

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Alors que la réalisatrice doit terminer le tournage de son nouveau film, l’actrice a réussi à trouver quelques heures, un samedi, pour nous prendre en photo et nous parler de Tempête, de Christian Duguay, un long métrage qui plaira à toutes les générations de Noël . Elle incarne une mère, vétérinaire dans un haras de courses de chevaux, qui se bat pour sa fille. Un beau rôle pour cet artiste talentueux, lumineux, véritable et d’une rare gentillesse. Un beau cadeau.

Qu’est-ce qui vous a attiré dans ce scénario ?

C’est bien d’avoir, de temps en temps, la possibilité de faire des films pour nos enfants, qui sont parfois amenés à vivre des vies un peu folkloriques. Je te dois ça. Mon fils a vu Tempête cet été et il a beaucoup aimé. Ma fille m’a accompagné sur le plateau. Elle avait 2 ans et la gardienne des chevaux, Martine, l’a emmenée aux écuries. C’était très agréable de participer à une histoire dont mes enfants ont pu partager le tournage et la joie de vivre, avant de découvrir le résultat sur grand écran.

De plus, Christian Duguay est un vrai gourmand qui vous accroche totalement. Les acteurs sont des vagabonds, on passe d’un plateau à l’autre et on dépend beaucoup de l’énergie des réalisateurs.

Qu’avez-vous aimé chez Marie, maman et vétérinaire ?

J’aime l’idée que cette femme tende la main à sa fille, Zoé, tardivement mais intensément. Au début, il s’inquiète, car Zoé est un bulldozer qui ne perçoit pas la notion de danger avec les chevaux. Quand le film change, Marie porte tout le monde, la fille et le père, Philippe… Il lui faut du temps pour trouver sa place, car la relation entre le père et sa fille est très étroite, mais elle fait preuve d’une force incroyable. Il y a une vraie évolution du personnage, sans clichés, et j’aime aussi la relation que je noue avec Pio Marmaï. Toutes deux gèrent différemment le drame de leur fille ou les difficultés économiques du haras, mais elles regardent dans la même direction. Ce sont des alliés, unis dans l’épreuve. Ce film est une bonne leçon de courage et de résilience.

Quelle relation aviez-vous avec les chevaux ?

Bizarre. Je monte très peu, les chevaux m’impressionnent. Je ne suis pas à l’aise, mais galoper dans un grand espace me procure une injection de puissance et de liberté sans pareille. J’ai été très impressionnée par la formation suivie par Pio Marmaï et Carmen Kassovitz, qui joue ma fille dans le troisième volet du film. Carmen est une très bonne cavalière dans la vie, et ce rôle était fait pour elle. Les chevaux bien dressés étaient dans leur élément dans ce haras de Senlis. Un jour, j’ai trouvé ma fille sous les pieds d’une jument, dans la paille. Ça m’a fait peur, mais Martine m’a dit : « Ne t’inquiète pas, ta fille n’a pas peur et les chevaux ont compris que c’est une fille, elle est en sécurité. Je l’ai laissé faire et c’était merveilleux. C’est tellement plus facile que de filmer avec des lions, comme dans Mia et le Lion Blanc ! [Des rires.]

L’alchimie fonctionne parfaitement avec Pio Marmaï, votre mari à l’écran…

On se connaît assez bien dans la vraie vie, mais c’est la première fois qu’on tourne ensemble. Nous avons la même approche de ce métier, nous travaillons beaucoup par instinct. On aime aussi jouer la vie de tous les jours, se rapprocher le plus possible de la vie… C’est très rare de rencontrer un acteur qui vous ressemble. On peut tout interpréter, y compris l’amour, même quand on se déteste, mais quand il y a du respect, l’alchimie se ressent à l’écran.

J’ai aussi été ravi de rejouer avec Carole Bouquet après Un pont entre deux rives [de Frédéric Auburtin et Gérard Depardieu], mon premier film, et Embrace Whoever You Want [de Michel Blanc]. J’ai commencé le cinéma avec elle et la façon dont les gens se comportent envers vous quand vous n’êtes personne ne s’oublie pas. Nous avons eu beaucoup de plaisir à nous retrouver, au point de parler ensemble pendant des heures.

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Jouer une mère résonne-t-il différemment aujourd’hui ?

Quand ce n’était pas encore le cas, je ne savais pas comment en jouer. Je me souviens d’un film où je devais retrouver ma fille, et le scénario me disait : « Ce n’est pas comme ça. On respire, on pétrit son enfant, on a besoin de le sentir. C’est en devenant mère que j’ai compris cette relation charnelle, mais aussi les émotions exacerbées, l’inquiétude, l’amour inconditionnel ou le fait que les enfants, malgré leur indépendance, font partie de nous-mêmes. Cette autorité qu’il y a dans Tempête, je l’ai avec mon fils et ma fille.

Il leur faut un amour fou, mais aussi un cadre.

Est-ce plus difficile pour l’actrice de choisir un rôle depuis qu’elle est réalisatrice ?

Non, c’est la maternité qui a changé mon objectif. La vie est plus importante que les films et il faut vraiment que j’aie envie d’y aller. Quand j’étais plus jeune, je pouvais faire des films compliqués, avec des gens parfois manipulateurs, mais j’étais le seul à supporter les difficultés.

Mais l’énergie que j’envoie à mes enfants quand je rentre à la maison est trop essentielle pour l’accepter aujourd’hui. Il peut y avoir des problèmes difficiles, bien sûr, mais avec des personnes qui vous soutiennent. Après presque vingt-cinq ans dans le métier, j’ai toujours le même amour du jeu, je ne suis pas blasé.

Ma chance a été de l’approcher très tôt. C’est une force de pouvoir naviguer aujourd’hui, même si j’ai l’impression que devenir réalisateur me sépare de certains réalisateurs. On craint que les acteurs-réalisateurs ne veuillent prendre le relais, mais c’est un énorme malentendu. J’aime me laisser aller dans le monde de l’autre et je suis un bon petit soldat quand je suis actrice. Pourtant, je constate que le même désir de cinéma d’auteur n’existe plus contre moi, mais c’est sans frustration, car j’ai la chance de ne pas me répéter. Je peux faire un film d’action pour les femmes, puisque je suis employée avec l’adaptation de la BD la Grande Odalisque pour Netflix, et la tournée Murder Mystery 2, une grosse production américaine avec Jennifer Aniston et Adam Sandler, qui sera en mars. Cette liberté, je l’apprécie. D’autant que, désormais, entre le cinéma et les plateformes, les possibles sont multiples.

Sur mon plateau ! Elle rêvait de réaliser un film d’action féminin. Ce genre permet l’humour sans être la comédie, filmant l’action au premier degré, avec des acteurs d’univers différents. Adèle Exarchopoulos me fascine au quotidien et, avec Isabelle Adjani, je vis une émotion que j’ai rarement ressentie. Je n’avais jamais été aussi transpercé par le regard d’une actrice et je n’arrivais pas à croire que je lui donnais enfin la réponse. Elle apporte tellement de cinéma avec elle sur le plateau.

C’est mon boulot de trouver comment les calmer, de garder le cap, mais je continue d’écouter…

Parce que tu es aussi actrice…

Évidemment. Je laisse toujours l’acteur se laisser guider par son premier instinct. Si tous les réalisateurs devenaient acteurs et inversement, nous parlerions le même langage.

Les acteurs se rendraient compte du poids qui pèse sur les épaules du cinéaste et comprendraient à quel point l’instinct d’acteur peut être un atout. Vous ressentiriez également mieux vos doutes, vos angoisses, vos malaises.

Dans vos films, vous offrez de beaux rôles aux femmes. Il y a une grande fraternité entre vous…

Depuis #MeToo, la communauté prêche la solidarité dans la rue et dans les médias, mais la réalité est bien différente sur un plateau. C’est triste. J’essaie de garder la bienveillance et de valoriser les actrices car je les aime profondément. J’ai aussi une équipe beaucoup plus féminine sur ce film. Je pense que ça vient de mon éducation, ma mère, ma grand-mère. Ma mère n’est jalouse de personne, elle est extrêmement affectueuse : avec ses enfants, à qui elle donne tout, mais pas seulement.

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Professeur de danse, elle s’entoure encore aujourd’hui de femmes. Et moi, plus je vieillis, plus je fais de films, plus je comprends que c’est ce que j’aime aussi.

J’adore, par exemple, les acteurs qui sont des actrices, comme Philippe Katerine dans mon film, qui a tout l’amour du monde en lui. Je sais aussi à quel point les actrices sont incroyablement fortes… Bien que parfois très joyeux, mon film est une parabole de nos vies : la journée d’une femme d’action représente la journée d’une femme qui arrive à tout diriger de front. Être mère, épouse, amante, garder le sourire et l’énergie.

Jouer et diriger en même temps, n’est-ce pas une lourde charge ?

Ce n’est jamais un premier choix. C’est toujours parce qu’une actrice m’a largué ! [Rires.] C’est tellement fatiguant de combiner les deux. Je mets beaucoup d’énergie à montrer à mon équipe que je peux gérer tout en jouant, mais aussi mes acteurs n’ont pas l’impression d’être ailleurs quand je leur donne la réplique. Donner un gros budget à un réalisateur, en France, pour un film d’action, c’est du jamais vu. C’était l’heure !

Avez-vous des projets aux États-Unis ?

Il y avait un rêve américain avec Galveston, qui était un film de commande, mais c’est très compliqué. J’ai une énorme soif de liberté, et en Amérique, nous n’obtenons pas le montage final quand nous ne sommes pas connus. En même temps, ils respectent le succès là-bas, ont une énergie incroyable et aiment les gens qui ont des idées. J’aimerais tourner une histoire américaine avec des acteurs américains, tout en gardant ma production française.

« J’essaie de maintenir la bienveillance et de valoriser les actrices »

J’aime beaucoup. Je n’ai jamais travaillé aussi dur que depuis que je suis devenue mère. Je veux pouvoir dire à ma fille que je suis une femme libre et une artiste. Mes enfants s’adaptent à mon travail et à ma vie, et moi aux leurs. Mon fils voulait un quotidien stable, que je respectais. Il est avec son père et je vais et viens.

Avez-vous toujours votre refuge sur votre île bretonne ?

C’est ma base, et c’est là que vit mon fils. Qu’il y ait du vent, de la pluie ou de la neige, passez une journée par semaine dans les bois et ça devient plus vert. Ma fille de 3 ans y est scolarisée. Elle sera si heureuse, elle qui embrasse tous les arbres qu’elle croise, ce qui, en ville, est assez drôle ! [Des rires.]

Le monde de demain vous inquiète pour vos enfants ?

Je suis toujours restée positive, mais quand mon fils de 9 ans m’explique que ça va être la fin du monde, je flippe. Alors je lui dis que c’est la fin d’un monde, qu’il peut apporter des promesses, des solutions, et qu’il y a tout à réinventer. J’apprends à mes enfants à protéger au lieu de consommer, à reconstruire au lieu de regretter. Tout est si compliqué pour les jeunes : ils rêvent de longs trajets, alors que le monde est plus dangereux, le réchauffement climatique se matérialise, les virus se propagent… Les jeunes générations sont beaucoup plus conscientes de la nécessité de protéger cette planète, elles rêvent d’un lieu en contact avec la nature, mais il y a un obstacle, parce que nous l’avons totalement foiré. C’est dans les solutions de reconstruction qu’il faut agir maintenant. L’homme ne sait décider que lorsqu’il se trouve face à un mur, et je crois plus au mouvement citoyen qu’à l’action politique. J’essaie tout de même de rester optimiste, car je n’ai pas l’intention d’aller vivre sur Mars !

Tempête, de Christan Duguay. Première le 21 décembre.