La sensualité est-elle la nouvelle virilité ? De Givenchy à la britannique Bianca Saunders, l’une des rares femmes à faire la mode masculine, les créateurs dévoilent le corps masculin ou l’enveloppent de tissus fluides et de broderies.
Cagoule et bottes de pluie futuristes, l’homme Givenchy affronte les éléments en toute décontraction : il marche dans l’eau sur un podium blanc graphique dans la cour de l’Ecole Militaire, des bâtiments du XVIIIe siècle à deux pas de la Tour Eiffel.
Mais la rigueur du lieu géré par la gendarmerie n’a pas empêché les looks non réglementaires : torse nu, sous-vêtements contrastés au-dessus de la ceinture et découpes sensuelles dans le dos.
Les pantalons des tailleurs presque classiques, noirs et beiges, ont une coupe aux genoux, comme des jeans troués.
La palette est sobre : blanc, gris, noir, rose fluo et vert sont réservés aux tenues de sport.
Depuis la nomination en 2020 de l’Américain, l’un des rois du streetwear comme directeur artistique de la marque française en remplacement de la Britannique Clare Waight Keller, Givenchy a délaissé la haute couture qui s’est fait connaître.
Défilé Givenchy à Paris, le 22 juin 2022 / AFP
Les collections précédentes de Matthew Williams présentées virtuellement et sur le podium ont toutes été mélangées.
Ce défilé, l’un des plus attendus cette semaine du prêt-à-porter masculin, jusqu’à dimanche, met en lumière l’importance et la diversité de la mode masculine autrefois considérée comme la petite sœur de la mode féminine.
« C’est bien de donner aux hommes et aux femmes, chacun sa plate-forme pour raconter une histoire », a déclaré Matthew Williams, cité mercredi dans la WWD American Fashion Bible. « Il y a plus de place pour plus de looks ».
Chez Bianca Saunders, qui puise dans le savoir-faire vestimentaire pour le revisiter au mieux, les silhouettes masculines sont adoucies par la coupe et le choix des matières.
Défilé Givenchy à Paris, le 22 juin 2022 / AFP
Ses modèles portent des pyjamas fluides en satin beige, rouge rouille ou écarlate ou en résille qui offrent des drapés sensuels accessoirisés de mini sacs à main.
La coupe asymétrique et profonde du débardeur souligne la ligne de trait. Les bombers oversize sont plus courts à l’arrière, les lignes sont arrondies.
La moins de 30 ans Bianca Saunders, lauréate du prix Andam 2021 qui avait auparavant honoré Martin Margiela et Anthony Vaccarello (Saint Laurent), est l’un des rares créateurs de mode masculine qui travaille à la rendre moins rigide.
L’Israélien Hed Mayner, dont la marque de fabrique est la silhouette nomade et protectrice, découpe cette saison le tissu du dos de parkas, vestes ou manteaux dévoilant un dos nu. Un blazer à double boutonnage est fait comme un tablier.
« C’est quelque chose de direct et d’évident devant et de décadent derrière », a-t-il écrit dans la note d’intention de l’émission.
L’abondance de la broderie anglaise s’explique par l’origine des matières. Ce sont des draps anciens récupérés dans les brocantes de Tel-Aviv.
« Ce n’est pas féminin, ni même poétique, cela fait référence à la sensation d’être enveloppé dans des draps propres tôt le matin. »