Mots de passe. Il écrit depuis près de cinquante ans et est l’un des plus grands auteurs américains. Ses derniers livres sont aussi ses plus intimes : « Oh, Canada » est ainsi le roman de la mort imminente. Clés pour lire un travail.
En près de vingt livres et vingt-sept ans d’écriture – son premier roman, Family Life (non traduit), paru en 1975 – Russell Banks, 82 ans, a construit l’une des œuvres littéraires les plus dévouées de la société américaine contemporaine, résolument toutes les formes de violences, sociales, familiales, matérielles ou symboliques qui sévissent aux États-Unis. Ces dernières années, cependant, l’écrivain a pris un chemin plus intimiste. Au début de Voyager (Actes Sud, 2017), où il explore notamment le thème de l’âge, Banks cite la phrase célèbre de Marguerite Yourcenar dans Mémoires d’Hadrien (Plon, 1951) : « Comme un voyageur qui parmi les îles de l’archipel continue. (…), je commence à entrevoir le profil de ma mort. Ce profil se détache nettement dans Oh, Canada, où Banks dresse le portrait d’un vieux cinéaste qui, se sachant condamné, sa fin imminente en fait l’héroïne de un film. Aussi brillante qu’écrasante, cette ultime quête de soi mêle l’émerveillement à la clarté, l’incrédulité à l’authenticité. Banks l’a placée cette fois sous le signe de la poésie de Fernando Pessoa : « En souvenir de qui j’étais, je vois une autre. »
Culpabilité
C’est un thème récurrent chez Russell Banks. En 2017, l’écrivain racontait au Monde ce sentiment de culpabilité qui lui collait à la peau. Comme lui, ses alter ego amoureux culpabilisent, notamment envers les femmes. « Un homme qui a été marié quatre fois a beaucoup d’explications à donner », explique le protagoniste de Voyager. Avant d’ajouter : « Je voulais m’expliquer cette répétition compulsive qui me faisait quitter une femme bien pour une autre femme bien. Était-ce vraiment de l’amour ? Ces femmes, est-ce que je les aimais vraiment ?
Leo Fife, le héros de Oh, Canada, est lui aussi tourmenté par le reproche qu’il adresse. D’où son désir de se racheter aux yeux de sa dernière épouse en revenant sur son histoire. De nombreux personnages de Banksian tentent de suivre ce chemin de la culpabilité à la rédemption. C’était déjà le cas de Kid, le délinquant sexuel dans Mémoire lointaine de la peau (Actes Sud, 2012). Ou celle d’Hannah Musgrave, la « mauvaise mère » de l’Américain Darling (Actes Sud, 2005). « Les gens qui finissent par essayer d’être bons m’émeuvent toujours, nous disait Russell Banks en 2012. Leur lutte intérieure est l’essence même de la tragédie. »
Père
Dans Oh, Canada is Fife, l’ancien documentariste, connu pour ses « anciens élèves, protégés ». Comme ce Malcolm faisant un film sur lui. Cette relation privilégiée, de jeune homme à mentor, Russell Banks la met souvent en scène. On le retrouve, entre autres, dans Sous le règne d’Os, La Pourfendeuse de nuages (Actes Sud, 1995 et 2001) ou Loin de la mémoire de la peau. C’est que le jeune Banks lui-même a jadis bénéficié d’un professeur de littérature, et pas seulement… Il avait 22 ans quand, après avoir abandonné ses études à l’université, il rencontra celle qui allait influencer son destin.
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