Dans un commentaire sur l’ouverture du gymnase Heyritz pour héberger les sans-abris du camp de l’Étoile, vendredi 17 septembre, Josiane Chevalier, préfète du Bas-Rhin, a affirmé sur BFM Alsace que l’État n’a pas le devoir d’héberger les personnes sans titre de séjour. Une interprétation de la loi erronée : le droit à un hébergement d’urgence est inconditionnel en France.
En réaction à la proposition d’abriter les personnes vivant sous tentes sur la place de l’Étoile, c’est au micro de BFM Alsace que le représentant de l’Etat a estimé qu’« en ce qui concerne l’hébergement d’urgence, l’Etat doit accueillir selon la situation administrative, c’est-à-dire les personnes ayant le droit de séjour ».
Cependant, ce droit à l’hébergement d’urgence, bien qu’il ait des limites, n’est conditionné ni en droit ni en jurisprudence par la situation administrative des personnes qui en font la demande. Claude Berry, avocat et président de la commission du droit des étrangers du barreau de Strasbourg, précise : « Les conditions d’accès à l’hébergement d’urgence sont celles prévues par le code de l’action sociale et des familles. » Plus précisément, « [t]oute personne itinérante qui se trouve dans une situation de détresse médicale, psychologique ou sociale a accès, en tout temps, à un système d’hébergement d’urgence ». Il n’y a donc aucune trace d’une obligation de titre de séjour pour en bénéficier.
Une interprétation confirmée par les juges
Le 1er avril 2022, le tribunal administratif de Rouen a rappelé que ni « les personnes étrangères soumises à une obligation exécutoire de quitter le territoire français », ni celles « dont les demandes d’asile ont été définitivement rejetées » ne sont exclues « du droit d’accès à l’hébergement d’urgence ». . Selon les juges, ils pourraient même « rester dans ledit logement ».
Une décision du Conseil d’État de 2016 a brouillé l’interprétation de la loi. Depuis, le juge administratif n’a pas pu statuer en référé – c’est-à-dire en moins de 48 heures – sur une demande visant à contraindre l’Etat à n’accepter quelqu’un que dans certaines situations. « Il faut une vulnérabilité particulière, que la personne ait des papiers ou non », explique Berry.
Les juges considèrent donc que le droit à l’hébergement d’urgence est inconditionnel, mais que pour le revendiquer devant eux, seules certaines personnes peuvent se prévaloir d’une procédure accélérée.
Au sein des structures d’hébergement d’urgence, il est plutôt admis que l’État étudie les situations administratives des personnes depuis une décision de 2018, allant à l’encontre de l’avis du Défenseur des droits de l’époque.
L’obligation pour l’État de faire « tout ce qu’il peut »
Le droit au logement est aussi reconnu comme une « liberté fondamentale » depuis 2012, rappelle Marie Rothhahn, directrice de projet à la fondation Abbé-Pierre. Mais, souligne-t-il, il s’agit d’une obligation « de moyens, non de résultat ». En pratique, un juge qui doit déterminer si l’Etat a manqué à ses obligations légales en refusant d’héberger quelqu’un, « verra s’il a fait tout son possible », précise M. Berry, expliquant par exemple le nombre de places dans son logement d’urgence. système.
« La crise du covid et l’accueil des réfugiés ukrainiens en mars 2022 montrent que quand il y a une volonté politique, c’est possible », a déclaré Berry. Avec la fermeture de 1 000 places d’hébergement d’urgence pour décembre, le nombre de personnes à la rue augmente mécaniquement à Strasbourg. Si l’Etat justifie souvent le manque de moyens pour ne pas accueillir certaines personnes, « il n’est pas certain que cet argument continue à être valable dans ce contexte », conclut l’avocat.
Mais en pratique, « ce droit au logement ne s’applique désormais qu’en cas de pathologies graves, de jeunes enfants avec des problèmes de santé et plus », écrit Marie Rothhahn. Lorsque le client qu’il défend n’a pas de titre de séjour, Me Berry reconnaît qu’il est très difficile pour le juge administratif d’ordonner à l’État de l’accepter.