« Quand tu te consacres à ta passion, ça ne marche pas »: Pierre Soulages, artiste libre

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Written By MilleniumRc

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18h58

, 26 octobre 2022

, modifié en

18h58

Des sessions de 4 heures

, 26 octobre 2022

On le croyait immortel. Tristesse sans fin : Pierre Soulages a tiré sa révérence à 102 ans

. Le plus grand des plasticiens français contemporains, qui a réussi le concours d’entrée aux Beaux-Arts mais s’est enfui dès le premier jour, refusant une formation académique ! Une nuit de 1979, dans son atelier de Sète, il travaille plusieurs heures sur une toile qu’il considère comme un échec et se bat, en vain, pour tenter de la sauver. Fatigué de se promener, il décida de se reposer dans la pièce voisine. « Je ne suis pas masochiste, alors j’ai décidé de dormir un peu », se souvient-il lors d’un long entretien avec le JDD en 2018. Au réveil, j’ai remarqué avec étonnement que les états du noir reflétaient la lumière. Si je bougeais de gauche à droite, la composition changeait. Selon l’environnement, il adopte des reflets cuivrés, bleus ou verts. Cette versatilité chromatique fut une révélation. »

Liberté et indépendance

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C’est ainsi qu’est apparu le célèbre Outrenoir, « qui nous emmène dans un autre champ mental que celui offert par la peinture traditionnelle, où tout devient possible ». Maintenant, il allait se concentrer dessus. Le matériau acquit alors une importance capitale. Équipé d’outils qu’il fabrique lui-même (pinceaux, pinceaux, balais et grattoirs), le génie n’a de cesse d’expérimenter des techniques sur de grands formats. Gouache, brou de noix et goudron ont été lissés, juxtaposés, striés, grattés, écorchés, irréguliers et lacérés sur la surface fibreuse pour capter autrement les rayons du soleil. Et entrez dans un monde parallèle et surnaturel d’une richesse incroyable.

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L’effet sur le public des peintures abstraites et en relief s’est avéré presque mystique. Pierre Soulages commence à recevoir des courriers de mathématiciens, astrophysiciens et philosophes qui s’interrogent sur son rapport à la religion. « On nous apprend que Dieu a créé l’homme à son image, mais l’homme a créé Dieu à son image », s’est-il exclamé. Il y a une chose dont je suis sûr : je ne sais pas. Les gens qui croient le contraire sont souvent esclaves des mythes. Il n’aimait pas les images. « Des bouquets de fleurs, pas pour moi. Je ne représente pas, je présente. Je ne visualise pas, je peins. »

Il n’a pas dérogé à la tradition, continuant à brûler dans son jardin les œuvres dont il n’était pas entièrement satisfait. « Je récupère le châssis, ça n’a rien à voir ! Ça me libère. Dans le studio, c’était la solitude et le silence. Ne pas entrer!’ Un signal efficace que j’ai ramené du Japon. Avec le temps ma femme Colette y prête de moins en moins attention, c’est embêtant. Il va falloir que je mette de l’ordre là-dedans. »

Des collections d’objets, et de visites présidentielles

Le couple, complice, se connaît depuis 1942. Pas d’enfant. « Nous nous sommes mariés au bout de six mois, sur un coup de tête, évoquait le maître avec tendresse et enjouement. Nos familles nous prenaient pour des fous. Enfin, ça continue. Il faut de l’intelligence pour arriver à ce résultat. Et attractions communes. Nous nous sommes réunis à minuit, vêtus de noir. Je viens d’être licencié. »

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Sans père décédé d’un cancer du pancréas à l’âge de 5 ans, Pierre Soulages est élevé par sa mère et sa sœur de 15 ans, qui deviendra professeur de philosophie. A l’âge de 6 ans, le petit garçon se voit offrir des crayons de couleur, mais il choisit de tremper sa plume dans de l’encre noire. Un jour, il dessinait des lignes sur un tissu blanc et un cousin lui a demandé ce qu’il dessinait. Il a répondu : « De la neige. Elle éclata de rire.

Je n’ai fait que ce qui m’intéressait

Plusieurs chocs esthétiques se sont succédé, formant son goût : la découverte de l’église conventuelle de Conques lors d’un voyage scolaire, à une quarantaine de kilomètres de Rodez, sa ville natale, les fresques préhistoriques de la grotte espagnole d’Altamira, dont il a admiré les reproductions dans un historique livre Il s’aperçut qu’à cette époque les hommes utilisaient déjà du noir pour recouvrir les parois des grottes. « Dans les endroits les plus sombres de la Terre, ils ont choisi cette couleur fondamentale », a-t-il déclaré. Nous venons des ténèbres. Ne dit-on pas d’un bébé qui naît qu’il voit le jour ? »