Fermeture de lits, manque de personnel… Depuis plusieurs semaines, voire plusieurs mois, les services hospitaliers font face à de fortes tensions. Au point que les centres d’urgence doivent désormais fermer la nuit ou réduire leur activité car les soignants ne peuvent recevoir les patients faute de moyens, déplore Patrick Pelloux, président de l’Association des médecins urgentistes hospitaliers de France. Le point sur cette situation de crise, liée seulement en partie à la crise sanitaire du Covid-19 qui frappe le secteur hospitalier depuis deux ans.
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Quelle est la situation ?
« De nombreux hôpitaux ont un ou plusieurs services restreints ou fermés », a reconnu jeudi dernier Olivier Véran, le ministre de la Santé. Interrogés, ses services n’ont pas été en mesure de nous donner des chiffres. Dernier exemple en date : le CHU de Bordeaux (Gironde) a annoncé qu’il ne recevrait plus les urgences adultes à l’hôpital Pellegrin le soir. Tous les soirs depuis mercredi, à partir de 20h. à 8 heures du matin, ils ont été fermés, sauf pour ceux qui ont été préalablement dirigés par le 15. ressources humaines depuis l’été 2021 : nombreuses démissions, renouvellements de contrats, départs… »
A Laval (Mayenne), le manque de médecins a contraint l’établissement à dépister les patients pendant huit nuits durant le mois de mai. Selon Maxime Lebigot, infirmier au centre hospitalier et secrétaire adjoint Force ouvrière, 91 postes sont vacants sur les 2.257 emplois de l’établissement, en raison de « démissions, demandes de disponibilité ou arrêts de travail ».
Que dit le gouvernement ?
Olivier Véran estime que cette tension à l’hôpital n’est pas liée à un « problème de salaire », mais à un manque « d’organisation » : « Il y a des postes, il y a des budgets, il y a de l’argent, il y a des salaires qui ont été augmentés à recruter ces soignants », a assuré le ministre de la Santé. Pour lui, la crise est principalement liée à « un problème d’organisation, de bureaucratie, de lourdeur administrative », à « un problème de fatigue » et à une « surcharge très importante » de travail liée à ces deux dernières années de pandémie.
Le ministre pointe également un renforcement des déserts médicaux provoqués par le numerus clausus. Aboli en 2020, ce quota d’étudiants admis en deuxième année de médecine a réduit le nombre de médecins libéraux et entraîné « un report plus important » des patients aux urgences.
Que disent les soignants ?
« Les difficultés actuelles témoignent de tous les dysfonctionnements rencontrés dans le secteur de la santé depuis des années », dénonce Rémi Salomon, président de la Conférence des commissions médicales d’établissement (CME) du CHU. Il énumère : manque de personnel, difficultés pour les patients à trouver un rendez-vous avec un médecin de ville, manque de lits dans les « structures aval », dans les établissements de « soins de suite ». « Nous avons des lits brancards dans les couloirs dans lesquels les patients peuvent passer plus de 24 heures dans des conditions indignes », illustre-t-il, avant de déplorer : « Le soignant a le sentiment d’être maltraité. »
Pour l’infirmier Maxime Lebigot, président de l’Association des citoyens contre les déserts médicaux, « la crise de l’urgence » est la « conséquence de l’épuisement des soignants ces vingt dernières années ». Mais « le coup de grâce a été le Covid » et les vagues épidémiques à l’hôpital.
« Tout le dispositif des urgences déraille » et « le pire n’est malheureusement pas derrière mais devant nous… », alerte également le syndicat SUD-Santé-Sociaux du CHU de Bordeaux. On court même à la « catastrophe », s’insurge le médecin urgentiste Patrick Pelloux. « La situation est épouvantable. L’État devient illégal. Selon la loi, tout citoyen doit se trouver à moins de 30 minutes d’un service d’urgence. Quand les gens feront un arrêt cardiaque, il y aura des poursuites judiciaires », prévient-il.
Quelles solutions ?
Il faut d’abord, selon Rémi Salomon, « tout faire pour retenir » les soignants « qui jettent l’éponge car le dévouement a ses limites ». Pour ce soignant, qui reconnaît les acquis, voire insuffisants selon lui, de Ségur de la Santé, la solution réside notamment dans une meilleure rémunération du personnel la nuit, le week-end et les jours fériés. Il faut aussi réintégrer dans les équipes médicales le personnel évincé car non vacciné, estime Patrick Pelloux.
Rémi Salomon préconise enfin « une meilleure coordination entre l’hôpital et la médecine de ville ». Pour l’heure, estime-t-il, « ce sont deux mondes qui se tournent le dos » alors qu’il faudrait « coordonner tous les soignants d’un territoire ».