« La révision du Plu de Taverny est susceptible d’avoir des impacts importants sur l’environnement et la santé humaine », précise la Mrae. Un rapport « truffé d’erreurs », selon le maire.
Dans le cadre de la révision du Plan Local d’Urbanisme (Plu) de Taverny (Val-d’Oise), une évaluation a été réalisée par la Mission Régionale de l’Environnement (Mrae). Une organisation dépendante de l’Etat.
Ses conclusions, rendues le 1er septembre, sont sévères pour la municipalité :
« La révision du Plu de Taverny est susceptible d’avoir des impacts importants sur l’environnement et sur la santé humaine. »
Sommaire
1 800 nouvelles constructions à l’horizon 2033
Pour y parvenir, la Mrae revient sur les objectifs de la municipalité, « permettre la construction d’environ 1 800 nouvelles constructions de logements d’ici 2033, dont 55 % en extension urbaine (dans le cadre d’un projet de Zac Quartiers des T comprenant un éco-quartier – site des Écouardes – pouvant accueillir jusqu’à 1 000 logements) en vue d’approcher les 30 000 habitants ».
La Mrae souligne que la commune a connu en parallèle « l’augmentation très importante du nombre de logements vacants (de 361 en 2008 à 678 en 2019) ».
« Une pleine mobilisation de ce parc est susceptible d’éviter la consommation d’espaces naturels, agricoles ou forestiers et de réduire le besoin d’extension urbaine. »
La Mission environnementale pointe également « l’extension urbaine envisagée [qui] porte sur une superficie totale de 11,7 hectares de terres essentiellement agricoles ».
Écoquartier des Écouardes : selon la Mrae, « le diagnostic est très incomplet »
Selon la Mrae, l’étude écologique préliminaire réalisée en 2019 et 2020 « n’est pas reprise dans le dossier. Le diagnostic est très incomplet, notamment sur les éléments liés à la fonctionnalité des milieux et à leurs interactions ».
La Mrae rappelle que la commune est déjà soumise en plusieurs endroits à de « fortes nuisances sonores » et qu’elle a connu des épisodes de pollution de l’air. « Les impacts de la construction de 1 800 nouveaux logements sur la circulation, le bruit et la pollution de l’air n’ont pas été évalués. »
« Cette décision confirme nos alertes sur la révision du Plu », réagit-on du côté de l’opposition.
« Nous appelons la majorité à prendre en compte l’avis du Mrae, alors que l’été qui se termine nous a douloureusement rappelé les conséquences imbriquées du changement climatique sur l’environnement et la santé ».
« Soutenus par une vingtaine d’associations, dont France Nature Environnement, Amis de la Terre, Alternatiba, nous avons organisé deux manifestations, les 13 novembre et 19 mars pour alerter sur les dangers de la révision du Plu de Taverny et de la Zac « Quartiers T’s ».
« Cette révision du PLU comprend notamment la destruction de 16 hectares agricoles pour y construire un nouveau quartier, un projet dangereux pour
– sanitaire : l’explosion du nombre de véhicules, déjà en cours à Taverny, s’accélérerait avec des conséquences sur la pollution de l’air et le bruit alors même que nous sommes une zone déjà très exposée (avions, infrastructures) ;
– l’environnement, les espaces verts et la biodiversité : pourtant l’été qui se termine a rappelé l’importance de préserver des îlots de fraîcheur et des espaces naturels
– des capacités d’alimentation même si la crise ukrainienne a au contraire rappelé que les terres agricoles cultivées sont précieuses, a fortiori en Ile-de-France où elles sont devenues rares (…) La ville bénéficie d’une couverture très positive de ces projets grâce à un « greenwashing » agressif : une « mini-forêt » a été plantée lorsque 550 m2 de bois classé ont été détruits pour un nouveau rond-point pour le centre commercial, et surtout le nouveau quartier qui détruirait les 160 000 m2 de terres cultivées en terres agricoles est annoncé comme un « éco-quartier » (…) De même, la piscine qui détruit 30 000 m2 d’espace naturel est labellisée « Jeux olympiques » rien que pour quelques semaines d’entraînement… Taverny est devenue une capitale du greenwashing ! »
L’explosion des demandes de logements sociaux
La municipalité de Taverny a vivement réagi aux conclusions de la Mrae.
« Nous avons été extrêmement surpris, raconte Sylvain Weiss, directeur général adjoint (Dga) à la mairie de Taverny. On va répondre point par point à cet avis car on s’est fait piquer. J’ai l’impression que c’est vraiment lourd. »
« Logement vacant ne veut pas dire disponible immédiatement ! Ce sont, par exemple, des maisons à vendre. Cet argument est déconnecté de la réalité. S’il fallait mobiliser ces logements dits vacants, avec quels moyens ? La Ville s’emploie déjà à lutter contre l’insalubrité de l’habitat. D’un côté, l’État nous oblige à construire, de l’autre, la Mrae, qui est une responsabilité de l’État, nous reproche de vouloir construire. C’est un peu schizophrène. »
La mairie rappelle qu’au 31 août 2022, il y avait 368 demandes de logement social de la part des habitants de Taverny et qu’au total il y a 5 000 demandes de logement social.
La Dga rappelle également que « pour ne pas perdre d’habitants, la commune doit construire au moins 90 logements par an, du fait de la cohabitation et du relâchement des familles ».
La critique du projet d’écoquartier – porté avec Grand Paris aménagement, établissement public créé par l’Etat, spécialisé dans l’aménagement urbain en Île-de-France et qui travaille avec et pour le compte des collectivités locales – est celle qui fâche la mairie le plus.
Elle met un point d’honneur à en faire un quartier « exemplaire » sur le plan environnemental. Alors que la Mrae dénonce le fait de prélever 11,7 hectares de terres agricoles, Sylvain Weiss souligne que
« C’est en 2005 que [ce site des Écouardes] a été ouvert à l’urbanisation par l’ancienne majorité avec une procédure d’expropriation des agriculteurs lancée en 2009. Il est également inscrit comme zone à densifier dans le Sdrif de 2013. Lorsque Mme Portelli a pris ses fonctions, les choses ont été lancées mais le choix a été fait de réduire l’empreinte, d’augmenter les espaces verts et d’en faire un éco-quartier au cahier des charges très fort dans lequel on imposera des logements à très hautes performances énergétiques. Il s’agira de bâtiments à énergie passive voire positive (NDLR, qui créeront de l’énergie), biosourcés (bois) ou géosourcés (pierre). Nous y pensions depuis 2014. Nous étions même un peu visionnaires. Nous avons envoyé tout cela à la Mrae, qui nous a reproché qu’il manquait des éléments alors que nous étions au début de la procédure d’examen du Plu ».
Adjointe au maire chargée de la Transition écologique, de l’Agenda 21 et de la Protection animale, Carole Faidherbe a précisé en conseil municipal que le quartier sera équipé de pistes cyclables, d’une circulation douce et que les logements répondront aux normes RT 2020. a également indiqué que le chiffre de 16 hectares de terres agricoles, avancé par l’opposition est faux et qu’il s’agit de 11,7 hectares.
Lors d’un live Facebook, Florence Portelli, maire (Lr-Libres !) et vice-présidente de la Région, s’est exprimée sur la réhabilitation du bois des Écouardes (il sera lui aussi « densifié ») et le projet d’un jardin maraîcher bio ( à partir de 100 hectares, dossier mené avec les communes de Bessancourt et Le Plessis-Bouchard) en complément de la future forêt de Pierrelaye (forêt de Maubuisson).
« Truffé d’erreurs »
Enfin, concernant le constat de « fortes nuisances sonores » en divers lieux et les épisodes de pollution de l’air, la Ville considère qu’il s’agit d’enfoncer des portes ouvertes. Elle dit qu’elle le fait aussi. « Le conseil municipal a voté contre la réduction des zones de bruit (NDLR, restreignant la possibilité de construire à proximité des lieux bruyants). Ça, la Mrae ne le sait pas », glisse Sylvain Weiss.
La Ville ne fera pas appel de l’avis de la Mrae.