Chaque année, à partir du 1er décembre, la même petite musique joue. Alors que All I Want For Christmas Is You de Mariah Carey résonne dans les centres commerciaux du monde entier, sur YouTube, les créateurs de contenu sont occupés. Les sapins de Noël et autres éclairages ont été éteints au fur et à mesure que les cadeaux s’entassent et que les poêles s’allument pour le fameux 24 décembre.
Sur YouTube, un format un peu particulier se multiplie sur la plateforme depuis quelques années : celui des « vlogmes », contradiction du mot « vlog » (blog filmé, et donc vidéo) et « Noël » pour désigner la période de Noël. Concept né aux Etats-Unis, il a été importé en France par des vidéastes comme Marie Lopez, alias Enjoy Phoenix, qui fêtait cette année sa neuvième saison de Vlogmas.
Les vlogmes sont des vidéos d’une vingtaine de minutes, distillées comme un calendrier de l’avent, à heure fixe, tout au long du mois de décembre. Format préféré des chaînes YouTube spécialisées dans la beauté, la mode, la cuisine ou encore l’art de vivre, ces vidéos quotidiennes sont un rendez-vous incontournable en décembre. Car, comme toutes les autres plateformes, les fêtes de fin d’année amènent leur lot de clics, des internautes passant les fêtes devant YouTube aux internautes à la recherche d’idées cadeaux ou de recettes de cuisine
Les vlogs de Noël se suivent et se ressemblent : un beau sapin plein de lumières, une famille unie réunie autour de cadeaux joliment emballés, un déballage de calendriers de l’avent proposés par les marques, le tout dans une ambiance qui sent bon la cannelle et les châtaignes chaudes. Quelle overdose de boucles.
Une certaine vision de « l’esprit de Noël », non sans charge mentale
Dans le monde occidental, Noël a ses couleurs et ses codes : rouge, blanc et vert ; des tables décorées et remplies de bonne nourriture ; des dizaines de cadeaux sous un sapin de Noël illuminé… Une esthétique et une imagerie grignotées et crachées par les publicités hollywoodiennes pendant des décennies, avec des campagnes marketing percutantes. Et si les vlogs de nos Youtubeurs et Youtubeuses préférés mettent l’accent sur leur intimité, on peut avoir l’impression de ne pas vivre dans le même espace-temps.
Routine millimétrée du matin, intérieur rangé, cadeaux déjà préparés des semaines à l’avance, repas gastronomique sur la table de Noël… Si l’authenticité se vend, sur YouTube, ces vidéos font appel à notre imaginaire collectif de ce qui constitue le fameux « esprit de Noël ». en stéréotype Des stéréotypes aussi dans les rôles de chacun : la plupart des vidéastes qui se prêtent à cet exercice de vlogme sont des YouTubeuses, souvent des mamans.
Certains ont fait de YouTube leur activité principale, et c’est pourquoi ils documentent chaque instant de leur vie de famille, caméra au poing, dans ce long tunnel qu’est le mois de décembre. Choisir et préparer des cadeaux pour toute la famille, animer le repas de Noël et donc cuisiner, chercher une tenue et un bon maquillage pour les fêtes, mais aussi gérer la fin d’année.
Pour puiser dans cet esprit de Noël, certains mettent en avant leur vie de famille, y compris leurs enfants : un étalage de douceur parfois dérangeant. Décembre ressemble souvent à un bilan, où ces YouTubeurs expliquent vouloir « parler du fond du cœur », « faire confiance » à leurs abonnés : une façon de fidéliser une audience qui les a suivis plus sporadiquement au cours de l’année, ou de conquérir une nouvelle audience
Occasion marketing et apologie de la surconsommation
La période des fêtes de fin d’année est très lucrative, pour les créateurs de contenus, mais surtout pour les marques qui les revendiquent. Comme certains spécialistes du marketing l’ont expliqué dans un récent article de Slate, les YouTubers jouent un rôle de créateurs de tendances, ce qui est essentiel en cette saison des fêtes où les dépenses augmentent. Dès octobre ou novembre, ils reçoivent des calendriers de l’avent qui coûtent plusieurs centaines d’euros, qu’ils peuvent mettre en avant dans leurs vlogs. Le mois de décembre est aussi l’occasion de multiplier les concours et codes promotionnels, de gâter vos abonnés… Et de vous assurer qu’ils nous suivront en 2023.
Les vlogmes riment ainsi avec placements de produits et défense de la consommation excessive, tant en termes d’achats de matériel (et de papier d’emballage), de produits de bien-être (car oui, avec les vacances qui approchent, il faut avoir une peau et un corps parfait), de nourriture ou des produits d’épicerie fine. que des décorations consommatrices d’énergie (et parfois peu écologiques). Car si ces vidéos sont fondamentalement divertissantes et permettent de mieux connaître ceux que l’on suit parfois depuis plusieurs années, les vlogmes ont parfois un goût amer. Celui d’un Noël un peu irréel, parfois bien éloigné de nos réalités… Et de notre budget.